OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Au camping de la bidouille http://owni.fr/2012/08/24/au-camping-diy-bidouille-hackers-utopie-decroissance-obsolescence-fab-lab/ http://owni.fr/2012/08/24/au-camping-diy-bidouille-hackers-utopie-decroissance-obsolescence-fab-lab/#comments Fri, 24 Aug 2012 10:39:26 +0000 Ophelia Noor http://owni.fr/?p=118382 A Pado Loup, vue sur le potager et le garage.

L’arrivée se fait par un chemin arpenté et caillouteux, sous un soleil de plomb du 15 août, entouré de montagnes, de pins, de mélèzes et prairies en manque d’eau. Dans un virage, une petite pancarte de bois annonce en rouge : “A Pado Loup”. Le potager accueille le visiteur, puis le garage, et la bâtisse principale. Tout est en bois. Construit avec des matériaux locaux en mode DIY.

L’hôte du festival, Bilou, la cinquantaine est entouré d’une ribambelle d’enfants, cousins, frères, soeurs et amis venus participer et prêter main forte sur l’organisation du festival. Toilettes sèches, douches solaires, récolte d’eau de pluie, compost, utilisation de panneaux solaires et recyclage des déchets feront partie du quotidien des citadins venus se déconnecter.

Deux ans après les rencontres numériques Estives | Digital Peak, à Péone, hébérgées par Jean-Noël Montagné, fondateur d’Art Sensitif, les équipes du TMP/LAB, TETALAB, USINETTE et des volontaires relancent l’aventure : déplacer les énergies créatives du hackerspace en milieu rural et isolé. Le festival A Pado Loup se tenait du 12 au 22 août à quelques lieues du précédent, près de Beuil dans les Alpes Maritimes, au coeur du parc naturel du Mercantour. Une deuxième édition plus détendue que la précédente, sans la dimension internationale ni l’habituel enchaînement de conférences techniques propres aux rassemblements de hackers, mais avec les mêmes contraintes et objectifs.

Bidouille dans l'herbe sèche et serre transformée en hacklab - (cc) Ophelia Noor

Loin d’être une expérimentation utopique, les communautés numériques de hackers et autres bidouilleurs sont bien conscientes des enjeux liés aux crises globales : écologique, sociale, politique et énergétique. Le rapprochement avec d’autres milieux alternatifs tournés vers ces mêmes problématiques fait son chemin. En juillet dernier se tenait la deuxième édition du festival Electronic Pastorale en région Centre. Deux ans plus tôt à Péone, Philippe Langlois, fondateur du hackerspace TMP/LAB, posait déjà la question du devenir des hacklabs face à la révolution verte et développait à nouveau cette idée en juin dernier dans une conférence sur les hackerlands donnée au Toulouse Hacker Space Factory (THSF).

L’innovation dans la contrainte

Les bidouilleurs se retrouvent sous une petite serre aménagée en hacklab pour la durée du festival. Équipée de deux panneaux solaires reliés à une batterie de voiture pour faire fonctionner l’électronique, son équilibre est précaire. Mickaël et Alex du Tetalab, le hackerspace toulousain, ont pris en charge la gestion de l’alimentation électrique et de la connexion WiFi. Le petit hacklab doit rester autonome comme la maison principale.

Le WiFi libre dans les actes

Le WiFi libre dans les actes

Et si l'accès à l'internet, en mode sans fil, était un "bien commun" librement partagé par tous ? C'est ce que proposent ...

Le challenge ? Ne pas dépasser les 70 watts et garder de l’électricité pour la soirée. EDF ne vient pas jusqu’à Pado Loup, encore moins les fournisseurs d’accès à Internet. Le lieu est en “zone blanche”, ces régions difficiles d’accès et non desservies par les opérateurs nationaux par manque de rentabilité.

Pour assurer une connexion au réseau, une antenne WiFi sur le toit de la maison est reliée à celle d’un voisin quelques kilomètres plus loin. Le relai est ensuite assuré localement par le TETALAB de la maison à la serre des geeks.

Mickael vérifie toutes les heures les installations, tourne les panneaux solaires, et répare les pièces qui ne manquent pas de claquer fréquemment depuis quelques jours. Pendant ce temps, les fers à souder s’échauffent et on bidouille des postes radio FM, pour écouter l’émission quotidienne de 18 heures, point d’orgue de chaque journée. Chacun peut participer, annoncer ou proposer des activités pour la soirée et le lendemain, raconter ses expérimentations en cours. En lieu et place des conférences programmées des Estives, les discussions sont lancés sur la radio du campement.

Fabrication d'une éolienne avec Bilou, le maître des lieux et hôte du festival hack & DIY. - (cc) Ophelia Noor

Chaque jour, une partie du campement passe son temps à trouver des solutions pour améliorer des systèmes déjà en place, produire plus d’énergie avec la construction d’une éolienne, ou en dépenser moins en prenant en compte les atouts du terrain, avec par exemple la construction d’un four solaire. Les contraintes stimulent la créativité et l’expérimentation pour répondre aux besoins de l’homo numericus. Des ateliers sont proposés dans plusieurs domaines, électronique, écologie expérimentale, radio, live coding ou photographie argentique.

Les bactéries, libres et têtues

Sous un arbre avec balançoire, tout au fond de la prairie de Pado Loup, est installée la FFF, la Free Fermentology Foundation, clin d’oeil appuyé à la Free Software Foundation de Richard Stallman. Le hobby de deux chercheurs, Emmanuel Ferrand, maître de conférence en Mathématiques à Paris VII, et Adrienne Ressayre, chargée de recherche en biologie évolutive à l’INRA.

Sur des petits étals de bois, des bocaux où fermentent du kombucha, un thé chinois pétillant réputé pour ses bactéries digestives, des graines de kefir dans du lait ou dans de l’eau mélangée à du sucre et des figues sèches. Et enfin, une potée de riz en fermentation qui servira à fabriquer le makgeolli, un alcool de riz coréen proche de la bière.

(1) Atelier fermentation avec Emmanuel Ferrand et Adrienne Ressayre. (2) Fermentation du riz pour la préparation du magkeolli, (3) morceau de kombucha, (4) dans les pots, kéfir de fruit, de lait, kombucha. Aout 2012 au festival A Pado Loup, Alpes-Maritimes - (cc) Ophelia Noor

Les enjeux, selon Emmanuel Ferrand, sont similaires à ceux du logiciel libre sur la privatisation du vivant :

Les techniques de fermentation ont évolué au cours du temps, elles sont aujourd’hui accaparées par des entreprises qui veulent breveter ces produits déjà existants. La société moderne tend à normaliser les nourritures, et pour des raisons de santé publique en partie justifiées on impose des règles strictes de fabrication, on normalise les pratiques. Avec la FFF nous essayons de faire l’inventaire de ces techniques de fermentations et de préserver celles qui sont plus ou moins borderline ou en voie de disparition – parce que confrontées à des produits commerciaux normés – et de les reproduire.

Tous les matins à 11h, une petite foule se rassemble sous l’arbre à l’écoute des deux chercheurs. On prend le pouls des bactéries, le fromage de kefir, la bière de riz… Après l’atelier fermentation, la conversation dérive chaque fois sur des sujets connexes avec une confrontation stimulante entre Emmanuel le mathématicien, et Adrienne la biologiste : le génome, la pensée réductionniste, les OGM, les mathématiques, la physique, le cancer, les bactéries, le brevetage du vivant.

Des connaissances et des savoirs-faire précieux et ancestraux qui font partie de nos biens communs : “En plus de l’inventaire, nous reproduisons ces techniques ancestrales. Nous partageons nos expérimentations avec d’autres personnes sur le réseaux ou en atelier, comme aujourd’hui à Pado Loup, avec le magkeolli, le kéfir et le kombucha.”

L’écodesign militant

Chacun participe au bon fonctionnement du camp et les tâches ne manquent pas entre la préparation d’un des trois repas, couper du bois pour le feu, ou aller chercher de l’eau potable à la fontaine, deux kilomètres plus bas. Les déchets sont systématiquement recyclés et les restes des repas végétariens sont jetés dans une poubelle spéciale dédiée au compost. Toujours dans le même souci d’utiliser au maximum les ressources naturelles du lieu, Christophe André, ingénieur et designer, proposait deux ateliers d’ecodesign : la construction d’un four solaire et d’une petite maison, sur le principe de l’architecture bioclimatique.

Le jour où on lui a demandé de fabriquer un objet à duré de vie limité, Christophe André a abandonné sa carrière d’ingénieur. Confronté à la tyrannie de l’obsolescence programmée dans les modes de production industriels, il se lance dans des études de design et apprend pendant plusieurs années à fabriquer lui même tous ses objets du quotidien au lieu de les acheter. Il fonde l’association Entropie en 2008. L’idée, proposer un design d’objet sous licence libre à des entreprises, des particuliers ou des collectivités et de rédiger des notices, également sous licence libre, pour diffuser ces savoirs et surtout les fabriquer.

Le four solaire réalisé lors de l'atelier d'ecodesign avec Christophe André, fondateur de l'association Entropie - (cc) Ophelia Noor

La construction du four solaire a nécessité quatre heures de bricolage à une dizaine de participants. Le four suit le mouvement du soleil, tel un tournesol, grâce à une cellule photovoltaïque coupée en deux par une planche. Sur le principe du cadran solaire, lorsque qu’une partie s’assombrit, un petit moteur, sous une plaque tournante fait tourner le four dans la même direction que le soleil. Un gâteau aux pommes a mis plus de quatre heures à cuire.

Après le repas, lorsque la nuit sans lune recouvre A Pado Loup, un grand feu est allumé. La dizaine d’enfants et les adultes s’y retrouvent pour des jeux, des concerts improvisés. D’autres lancent une projection sonore avec de la musique expérimentale pendant que l’équipe du Graffiti Research Lab part à l’assaut des prairies du Mercantour pour des session de lightpainting.

La vie la nuit : dans la yourte, le développement photo argentique, les expériences de musique expérimentale, convivialité autour du feu, et atelier lightpainting avec le Graffiti Research Lab. - (cc) Ophelia Noor

De cette seconde expérience, Ursula Gastfall, membre du TMP/LAB, préfère ne pas y penser en termes de pérennisation : “Entre les Estives et APadoLoup, deux ans sont passés. Étant accueillis par des particuliers, nous préférons ne pas faire de plan et pourquoi pas, profiter d’un lieu encore différent la prochaine fois.” L’esprit du hacking, libre et nomade continue de se disséminer dans la nature.


Portfolio complet à découvrir ici : “Festival Hack & DIY A Pado Loup”
Photographies et sons par Ophelia Noor pour Owni /-)

**Si les players SoundCloud ont sauté, laissez un commentaire ou écoutez-les ici : http://soundcloud.com/ownison

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Detroit redémarre en mode DIY http://owni.fr/2012/07/26/detroit-redemarre-en-mode-diy/ http://owni.fr/2012/07/26/detroit-redemarre-en-mode-diy/#comments Thu, 26 Jul 2012 10:46:58 +0000 Ophelia Noor http://owni.fr/?p=116694

Detroit n’est pas la ville des rêves, c’est la ville des réalités. – Grace Lee Boggs, 96 ans, activiste et habitante de Detroit

Imagination Station (à droite) fait face à la Michigan Central Station (à gauche), géante gare abandonnée, symbole du déclin de Détroit. Imagination Station est également une maison abandonnée, et donnera lieu à un projet de logement d'ici quelques années. Pour l'heure, les "doers" du quartier l'ont bariolé de fresques. ©Nora Mandray/detroitjetaime.com

Déclarée plusieurs fois en faillite depuis 2011, Detroit est une ville à l’abandon, vidée de sa population, de la plupart de ses commerces et entreprises. Après la période glorieuse du fordisme et de la production automobile, puis les ravages de la désindustrialisation dès les années soixante, les habitants dépendent aujourd’hui de leur propre ingéniosité pour subvenir à leurs besoins. Un renouveau qui préfigure peut-être la société de demain : une économie locale post-industrielle basée sur la bidouille et le partage.

Dans leur webdocumentaire Detroit Je T’aime, les journalistes françaises Nora Mandray et Hélène Bienvenu, s’intéressent aux bouleversements du monde post-industriel et post-communiste.  Elles nous montrent comment les citoyens reprennent en main leur mode de vie,  leur manière de consommer et de renouer des liens sociaux dans un espace post-productiviste.

Comment est construit votre webdocumentaire ?

Nora Mandray : Detroit je t’aime a pour base trois courts-métrages documentaires à la narration linéaire, d’environ 20 minutes chacun : trois histoires de débrouille imbriquées les unes dans les autres entre un groupe de filles mécano, un fermier urbain et un hacker. Au cours de chacun de ces films, une “boîte à outils DIY” [ndlr : Do It Yourself : Fais-le toi-même] apparaîtra pour suggérer aux spectateurs de démarrer leurs propres initiatives. Les internautes pourront, au fil des histoires, partager sur les réseaux sociaux des citations tirées du film ou bien des projets à faire eux-mêmes avec leurs amis.

Hélène Bienvenu : Nous ne voulons pas tomber dans le travers du catalogue d’histoires, ce vers quoi le webdocumentaire a tendance à tirer parfois, d’où l’idée de se concentrer sur trois personnages forts et le recours au mode linéaire. On pense que notre blog, développé en parallèle à Detroit je t’aime, continuera d’exister à travers nos spectateurs. L’ objectif c’est d’engager un dialogue entre les communautés.

Nora Mandray : Une fois le webdocumentaire terminé, nous aimerions aussi développer une application pour mobiles, où il serait possible de retrouver les projets DIY présentés dans le documentaire. Et puis, à plus long-terme, Detroit change si vite qu’on pense déjà y retourner dans cinq ou dix ans pour retrouver les Detroiters et voir ce qu’ils seront devenus.

En quoi les trois personnages choisis pour raconter l’histoire de Detroit sont-ils représentatifs du changement de cette ville, et par extension de nos sociétés, vers une nouvelle économie basée sur le partage et le DIY (Do it Yourself) ?

Nora Mandray : Nos trois personnages représentent des besoins inhérents à toute société : se nourrir, se déplacer, apprendre et communiquer. En plus d’apporter une réponse matérielle, nos protagonistes ré-imaginent le Detroit post-industriel pour poser des bases plus saines : respect de l’environnement, justice alimentaire, open-source, réflexion sur la question de la race, le vivre-ensemble. Jeremy, le fermier urbain (urban farmer) plante avant tout pour sa communauté, son “potager” n’est pas grillagé. De même que le Mount Elliott makerspace de Jeff Sturges ou l’atelier vélo Fender Bender de Sarah Sidelko, ouverts à tous.

Hélène Bienvenu : La société du partage revêt de multiples facettes, et toutes ne sont pas nécessairement représentées à Detroit, par exemple le co-voiturage existe encore très peu. Mais Detroit est une ville où l’on débat. Un mot revient sans cesse : “justice”.

Nora Mandray : Social justice, food justice, environmental, racial… Le mot se décline à l’infini et nous semble représentatif du tournant que vit la ville. C’est un signal fort que Detroit en revienne à l’artisanat et à un système de production local. Le travail à la chaîne est né ici et s’est répandu dans le monde entier. En période d’austérité, on en revient à des valeurs partagées par tous, à des éléments concrets autour desquels la communauté se rassemble et se reconstruit.

Sarah a mené le premier atelier mécano de Fender Bender. Kezia et Doc ont appris à réparer un vélo en six leçons. ©Nora Mandray/detroitjetaime.com

Les personnes que vous avez rencontrées continuent-elles, malgré tout, à consommer dans les grands circuits de distribution traditionnels ? Pouvons-nous observer comme en Espagne ou en Grèce la création de monnaies locales ou une réflexion sur une sortie du système monétaire actuel ?

Hélène Bienvenu : Parce que le taux de chômage est très élevé [plus de 50%, NDLR] et que Detroit est une ville pauvre, les boutiques de la Salvation Army (Armée du salut)  et les “1$ stores” pullulent. Les Detroiters pratiquent naturellement l’échange de services. Récemment de nouvelles Time Banks [équivalent du SEL, Système d'Échange Local, NDLR] ont commencé à organiser cette économie alternative, bien que formellement il n’existe pas de véritable “monnaie alternative” à notre connaissance.

Nora Mandray : La sortie du système monétaire actuel est une idée qui traverse le discours des activistes locaux, notamment ceux qui ont organisé le US Social forum à Detroit en 2010. Parmi les “anciens” Detroiters comme les nouveaux arrivants, il y a un désir de changement. Le credo des activistes du coin est d’ailleurs “be the change you want to see in the world”. Cela implique par exemple de se déplacer à vélo dans une culture centrée sur l’automobile.

Hélène Bienvenu : Detroit est en train de vivre un débat de grande intensité autour de l’ouverture d’un Whole Foods [ supermarché bio, NDLR] en centre-ville. Ceux qui ont fait le choix d’une vie alternative, voient en Whole Foods, un des symptômes de la gentrification et l’exploitation habile de toute l’énergie que les Detroiters ont mis à bâtir un système alternatif de production locale. Whole Foods a promis de favoriser l’économie locale mais jusqu’à quel point ?

Brightmoor a une mauvaise réputation, quartier ouvrier miné par le chômage, la drogue et le crime dans les années 80 et 90, il connaît aujourd'hui une renaissance grâce aux initiatives d'agriculture urbaine comme celle de Jeremy Kenward qui cultive salades et légumes dans son grand potager. Son point fort, c'est la permaculture : une manière de cultiver durable. ©Nora Mandray/detroitjetaime.com

Comment sont perçus ces nouveaux champs d’actions par “les autres” : les habitants qui ne participent pas, les habitants qui sont de l’autre côté du 8 mile, l’autoroute qui partage la ville en deux ?

Hélène Bienvenu : Les frontières entre Detroit et ses banlieues, voire au sein de ses différents quartiers, restent très marquées. Pour schématiser, il y a trois types de réactions sur Detroit au-delà de 8 mile : les nostalgiques de l’âge d’or, avec ses théâtres fantastiques aujourd’hui en ruines ou ses grands magasins de Downtown abandonnés ou détruits ; ceux qui voient de manière positive le renouveau de la ville, plutôt du côté des jeunes et moins jeunes qui sont revenus s’installer ; enfin ceux qui ont une opinion négative ont quitté la ville depuis longtemps et n’y remettent jamais plus les pieds.

Nora Mandray : Ces derniers sont évidemment les premiers à critiquer Detroit, qu’ils voient comme un dangereux ghetto, qui ne s’en sortira jamais. L’agriculture urbaine est vue comme un palliatif qui ne peut pas mener très loin, dans un environnement ultra-pollué. Bien sûr, certains des points que ces détracteurs soulèvent sont légitimes – mais il n’y a pas de dialogue entre ces “camps”.

Au Mt. Elliott Makerspace, les enfants apprennent à fabriquer leurs propres circuits électroniques. ©Nora Mandray/detroitjetaime.com

Dans cette ville immense et à l’abandon, on a du mal a imaginer depuis la France, l’absence des pouvoirs et des services publics. Les habitants sont-ils à ce point livrés à eux-mêmes ? Quel est l’état des lieux de Detroit ?

Nora Mandray : D’abord, nous sommes aux Etats-Unis où la notion de service public n’a rien à voir avec la nôtre. Et pour ne rien arranger, Detroit a été minée par la corruption politique des années 60 aux années 90. Quand l’industrie automobile a commencé à délocaliser, les pires choix ont été fait par le gouvernement local. Résultat, Detroit est restée pendant longtemps une ville à l’abandon. Elle l’est toujours, dans la majeure partie de la ville. Des quartiers entiers sont plongés dans l’obscurité la nuit, parce que la marie n’a pas les moyens d’entretenir les lampadaires et personne ne vient les réparer !

Hélène Bienvenu : La police et les pompiers tournent à effectif réduit. Les transports publics sont un autre bon exemple. Dans les années 50, il existait encore un système de trolleybus mais il a fini par être démantelé, sous l’effet  des lobbies des trois grands constructeurs automobiles General Motors, Chrysler et Ford, dit-on. Aujourd’hui, seul le bus fonctionne mais de manière très aléatoire.

Detroit compte aujourd'hui 700 000 habitants contre 2 millions d'habitants en 1950. Cette carte comparative (superficie et population) est basée sur les travaux de Dan Pitera, professeur d'architecture et design à l'université de Detroit Mercy.

Nora Mandray : Une compagnie de bus privée est en train de se met en place à Detroit, initiée par un jeune des “suburbs” [ banlieues, NDLR] et destinée aux nouveaux arrivants. Le hic, c’est que pour le moment, cette compagnie ne dessert que les coins sympas que fréquente son public (jeune et majoritairement blanc). Les tarifs ne sont pas abordables pour un public qui dépend du bus pour circuler à l’intérieur de la ville. Cela pose clairement des problèmes de ségrégation déguisée au 21ème siècle.

Hélène Bienvenu : Depuis le déclin de Detroit, les résidents ne cessent de développer des solutions. La ville de Detroit n’organise pas de recyclage ? Qu’à cela ne tienne, un type a eu l’idée d’ouvrir un centre de tri ultra pointu, qui en plus d’être un des lieux les plus “cosmopolites” de Detroit, est devenu un lieu de prédilection pour les fans de street art.

Pensez-vous que Detroit puisse servir de modèle ailleurs ? Je pense par exemple à la fermeture de l’usine PSA d’Aulnay-sous-bois en France et à l’opposé, aux projets de villes en transition ou encore à l’implantation de fab labs ?

Hélène Bienvenu : Detroit ne fait pas partie du mouvement officiel des transition towns mais nos personnages s’inscrivent très clairement dans cette mouvance là. Pour ce qui est d’Aulnay-sous-bois, on ne peut s’empêcher de penser à Detroit qui a vécu tout ça bien avant et de manière plus brutale. Mais c’est un signe que les temps changent. Agir de manière préventive, s’aménager de nouvelles portes de sortie, et revenir à ce qui est essentiel au fonctionnement d’une communauté.

Nora Mandray : Paradoxalement, Detroit vit un véritable tournant car pour la première fois depuis des décennies, la ville est de nouveau attractive. Il y a un glissement du discours : de la ville ghetto au nouveau Berlin. Les jeunes commencent à affluer dans le sens inverse à ceux de leur parents ou grands-parents qui avaient fuit Detroit pour les banlieues. Les personnes dont nous parlons dans notre documentaire se méfient de la gentrification qui pointe aujourd’hui le bout de son nez dans ces quartiers en plein essor. Cela dit, si on voit des cafés cossus ouvrir, la plupart ont recours au compost et utilisent des produits issus des fermes de la ville, signe que nous avons déjà franchi un cap.


Vous pouvez participez à la deuxième partie du tournage qui aura lieu à la fin de l’été en soutenant Detroit Je t’aime sur la plateforme d’appels à dons Kickstarter.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Pour voir le portfolio c’est ici. Photographies par Nora Mandray ©/Detroitjetaime

Detroit je t’aime, un webdocumentaire d’Hélène Bienvenu et Nora Mandray à soutenir sur Kickstarter.

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Photographes critiques en campagne http://owni.fr/2012/05/10/bilan-de-la-com-de-cette-presidentielle/ http://owni.fr/2012/05/10/bilan-de-la-com-de-cette-presidentielle/#comments Thu, 10 May 2012 09:06:17 +0000 Ophelia Noor http://owni.fr/?p=107677

France, Paris. 8 mai 1988. Célébration de l'armistice sous l'Arc de Triomphe et jour du deuxième tour de l'élection présidentielle. François Mitterrand, Président de la République et Jacques Chirac, Premier Ministre. ©Jean-Claude Coutausse

Le photojournalisme politique de nos jours suppose de sérieuses capacités à démonter en temps réel les constructions des services de com’ des candidats. Jean-Claude Coutausse et Cyril Bitton font de la photo politique depuis plus de dix ans. Membres de Fedephoto ils ont créé à l’approche de la présidentielle, un collectif informel baptisé French Politics avec Olivier Coret, Marc Chaumeil, Laurent Hazgui et Caroline Poiron. Chacun d’entre eux a suivi durant plusieurs mois un (ou des) candidat(s) en campagne pour plusieurs quotidiens ou magazines. Ainsi, Jean-Claude Coutausse suit les présidentielles depuis 1988 et François Hollande depuis l’université d’été en exclusivité pour le quotidien Le Monde. Cyril Bitton suit le FN depuis dix ans et Marine Le Pen depuis son investiture à la tête du parti en janvier 2011. Entretien.

Qu’est-ce qui a changé dans votre manière de travailler depuis les précédentes présidentielles en 1988 pour Jean-Claude et 2002 pour Cyril ?

Jean-Claude Coutausse : C’est toujours le même principe. Nous sommes devant une scène avec des hommes politiques qui se mettent en scène. Ce qui a vraiment changé, c’est plutôt la manière dont ils se mettent en scène. Avant, ils étaient moins conscients de leur image. Particulièrement l’ancienne génération, les Chirac, Balladur, Barre, Mitterrand. Ils étaient un peu plus patauds. Le principe en photo politique c’est d’abord de se faire un point de vue. Ensuite d’aller le chercher avec des images et des situations.

France, Paris. Campagne présidentielle, Jacques Chirac en meeting. Le 4 mars 1988. ©Jean-Claude Coutausse

Nous devons toujours être omniprésents pour profiter des failles, de ces moments où les hommes politiques s’oublient un peu. De ce point de vue, nous avions plus d’occasions avec l’ancienne génération. La nouvelle, disons depuis 2007 avec la campagne de Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy, fait beaucoup plus attention à son image.

Les équipes de communicants sont omniprésentes aujourd’hui autour de la plupart des candidats, comment travaillez-vous ?

Jean-Claude Coutausse : Nous avons surtout vu les équipes de communicants arriver en 2002. Chez Jacques Chirac, c’était plus familial. C’est un cercle d’intimes qui le conseillait, dont son attachée de presse de toujours Lydie Gerbaud. Autour de Jospin en 2002, on a vu arriver des publicitaires. Et ça a été une catastrophe. Ils ont contribué à sa défaite. Ils étaient insupportables et se sont mis la presse à dos. De notre côté, nous avons toujours travaillé de la manière suivante : raconter ce que l’on voit et ce que l’on ressent. Eux voulaient vendre un produit. Et ça n’a pas marché. On ne sait jamais vraiment, si ce sont toujours les mêmes aujourd’hui, mais si ces personnes ont eu une réelle influence sur l’actuelle campagne de François Hollande, ils l’auront fait cette fois de manière plus subtile avec l’expérience acquise.

France, Toulouse. Campagne présidentielle 1995. Lionel Jospin en campagne. 16 mars 1995. © Jean-Claude Coutausse

Cyril Bitton : J’ai suivi plusieurs candidats pendant cette campagne, Eva Joly, Jean-Luc Mélenchon, François Hollande pendant la primaire socialiste, mais surtout Marine Le Pen, depuis plus d’un an, moment de son investiture à la tête du parti. Pour le Front National, l’évolution se fait surtout avec le changement de personnalités, très différentes, à la tête du parti, entre 2002 et maintenant. Alors que la personne qui s’occupe de la communication est la même, Alain Vizier. C’est vraiment la vieille école. Ils s’en moquent de voir les photos avant publication, du moment que quelque chose sort, ils sont contents. On peut faire à peu près ce qu’on veut. On peut faire des demandes spécifiques.

Paris le 8 janvier 2012. Marine Le Pen lors de sa galette des rois annuelle. © Cyril Bitton/French-politics.com

En 2002 à l’époque de son père, le champ d’action était plus large, on a parfois l’impression qu’ils n’ont pas de communicants. L’accès au bureau de Jean-Marie Le Pen était assez simple et je pouvais même faire des photos sur scène. Aujourd’hui, c’est plus compliqué. En meeting on ne peut plus monter sur scène et dix ans après je sais que je ne pourrai pas faire des photos dans le bureau avant les résultats.

Jean-Claude Coutausse : J’ai beaucoup couvert le FN à partir de 1986 pour Libération. Le débat de l’époque dans les rédactions était est-ce qu’on couvre le FN ou pas ? Même sans clore le débat nous le faisions. Ils sont là, ils se présentent aux élections. Des incidents avec les journalistes au FN j’en connais très peu. On nous a toujours laissé faire. C’était plutôt eux qui éloignaient ce qu’ils ne voulaient pas qu’on montre. Qu’on dise du bien ou du mal, ils voulaient qu’on parle d’eux.

Cyril Bitton : Avec Bayrou c’était marrant, ils ne voulaient pas qu’on utilise le grand angle. Quelqu’un avait du lui expliquer un jour que le grand angle déformait.

Jean-Claude Coutausse : Bayrou s’approche et te dit “vous êtes au 28 mm ?” Il connaissait même les focales. Il s’approchait, tu déclenchais. Il est vraiment de l’ancienne école.  Au PS cette année, ils nous ont empêché de faire certaines photos, on ne pouvait pas prendre Hollande de dos par exemple. Ils faisaient ça de manière beaucoup plus subtile bien sûr, “tiens, place toi là, tu seras plus à l’aise devant”. Et depuis quelques semaines ça s’est libéré.

François Hollande, candidat du parti socialiste à la présidentielle 2012 participe à la cérémonie des voeux de la municipalité de Laguenne, Corrèze, France, vendredi 6 janvier 2012 - ©Jean-Claude Coutausse / french-politics.com

Comment se traduit cette “mise en scène”, cette mécanique bien huilée de la représentation politique ? Et comment arrivez-vous à montrer “autre chose” que ce que l’on vous présente.

Jean-Claude Coutausse : Montrer les rouages d’une campagne ou l’envers d’un décor, c’était très à la mode depuis dix ans à la télévision. Le public sait comment ça fonctionne. A Vincennes nous étions une poignée de photographes autorisés par les équipes de Hollande à monter sur scène, de Libération, Le Parisien, Le Monde et une ou deux grandes agences. C’est une compétition entre deux candidats, et on me donne donc l’occasion de le montrer face à la foule. Est-ce qu’on fait leur jeu à ce moment là ? Ce qui m’a intéressé malgré tout à Vincennes (Ndlr : au meeting de François Hollande avant le premier tour) c’était de montrer le candidat Hollande avec la foule.  La question était : Y aurait-il une grosse foule : celle qu’ils attendaient, ou pas ? Je montre ce que je vois. On peut toujours décadrer mais ça dépend des meetings. D’ailleurs, les candidats ont tous adopté ce même fond bleu et parfois on ne sait plus où on est : à Besançon ? à Lille ? Dans un gymnase, une mairie ?  Donc nous devons élargir le cadre pour avoir l’information de contexte.

Quelle liberté de circulation avez-vous dans les meetings ?

Jean-Claude Coutausse : Personnellement, je me dis il faut aller voir tous les candidats pour avoir un bon point de vue. Le Monde me demande de n’en suivre qu’un (Ndlr: François Hollande). Mais je m’échappe, malgré tout. C’est fatiguant de suivre le même candidat et ça créé des relations. Même si cela peut faciliter énormément les choses. A Lille, il y avait un pool avec trois photographes qui le suivent depuis le début : Sébastien Calvet (Libération), Denis Allard (REA), et moi-même. Les équipes de communication nous ont laissé passer devant. Alors est-ce qu’on nous manipule, est-ce qu’on nous facilite tout simplement la tâche ou est-ce pour nous remercier un peu du résultat de notre travail ?

France, Lyon. Campagne presidentielle premier tour. Meeting de Francois Mitterrand. 15 avril 1988

Vous n’avez jamais de réponse claire là-dessus ?

Jean-Claude Coutausse : Il n’y a peut-être pas de réponse. La situation est ambiguë, eux font de la politique et nous sommes journalistes. Mais il n’y a pas de relations incestueuses. Ce sont des gènes différents mais malgré tout, cela fait un an que nous sommes sur les routes ensemble et dans les mêmes hôtels. Ce qu’il y a de plus compliqué en photo politique c’est toujours de garder de la distance.

Ce qui est important c’est également le média pour lequel un photographe travaille, les demandes des quotidiens ou des agences diffèrent…

Cyril Bitton : L’intérêt de travailler pour un journal c’est la liberté et d’avoir des images qui sont publiées. Ils te laissent tranquille et ça t’apporte une légitimité. Entre 2001 et 2007, quand je suivais le FN en commande régulière pour VSD, c’était simple. Alors qu’au tout début de cette présidentielle, je n’avais pas de journal ou de magazine derrière moi, et même Alain Vizier (Ndlr : responsable communication du FN) que je connaissais depuis des années, me répondait que “c’était compliqué” pour certaines de mes demandes. Mais quand on commence à venir très régulièrement, ils s’habituent.

Jean-Claude Coutausse :

Un visage familier te rassure. Mais c’est sclérosant de suivre un même candidat. Tu accumules une grosse fatigue sur une campagne. Tu peux tomber en amour ou en haine excessive pour un candidat. Il faut respirer. C’est très instructif de voir comment ça se passe chez les autres candidats, chez Mélenchon, chez Sarkozy…

Lille, le 23 fevrier 2012. Nicolas Sarkozy en déplacement dans le Nord de la France avec une visite du Centre de Formation CFA le Virolois de Tourcoing et un grand Meeting au Grand Palais de Lille. © Cyril Bitton / french-politics.com

Cyril Bitton : Avec le temps certaines choses se mettent en place et avec l’expérience aussi. Meeting après meeting on trouve nos marques, on connait le tempo de la campagne du candidat. Mais c’est bon de quitter ses zones de confort : au milieu de cette campagne présidentielle, j’ai couvert un meeting de Sarkozy, le contrôle était si compliqué que j’étais obligé d’être super concentré  tout le temps. Je ne connaissais pas les rouages de sa campagne. Côté agences, certaines ont des demandes spécifiques. Les photographes doivent parfois demander aux politiques de poser.

Jean-Claude Coutausse : Le média est très important. Dans une agence photo, l’aspect commercial est assez fort. Les photographes ont besoin de vendre des photos, et au lieu d’être tournés vers la scène sur Hollande par exemple, les agences voudront des photos de Valérie Trierweiler. Elles se vendront de manière plus sûre. On peut leur demander de faire plus de concessions qu’à un photographe de journal.

Quelles concessions vous ne feriez pas ?

Jean-Claude Coutausse : Je ne travaillerai pas avec une agence photo sur les sujet politiques pour fournir la photo du candidat qui fait la gueule. Ces photos, tu les fais de toute façon et tu vas les publier, sauf que tu as la continuité de ton histoire sur plusieurs mois de travail et qu’elles s’insèrent dans une narration. La plupart des agences chercheront le quatre pages pour VSD ou Paris Match qui ramènera de l’argent. Ils vont plus jouer dans le people et on sort du journalisme. A cause de la pression commerciale.

France, Paris. Francois Hollande, candidat à la primaire de socialiste, en meeting au Bataclan. Jeudi 13 octobre 2011 ©Jean-Claude Coutausse / french-politics.com

Cyril Bitton : Cela dépend des agences. A french-politics, on raconte la vie d’un candidat sur plusieurs mois, celle qu’il choisit en tout cas de nous montrer, et on va essayer de faire des choses différentes dans ce cadre.

Là où c’est bien de suivre une campagne sur la longueur c’est le fait qu’il n’y ait pas que des photos fortes. Comme dans une fiction, avec des moments de creux tout aussi intéressants, comme une respiration, et avec des moments plus intimes.

C’est différent de travailler juste pour un quatre pages de magazine. Là, nous avons le début de la campagne, la fin avec plus d’ intensité, les déplacements…

France, Paris. Le 8 mai 1988. Le soir de la deuxième élection présidentielle de François Mitterrand, ses supporters manifestent leur joie place de la République. ©Jean-Claude Coutausse

Jean-Claude Coutausse : Ça devient une histoire intéressante sur le plan journalistique, et du point de vue historique au bout de quelques années. Mais dans le présent, ça ne rapporte pas d’argent.

La photographie politique est très particulière. Elle a énormément de valeur ce matin, le lendemain beaucoup moins, dans six mois aucune et dans dix ans elle a une valeur inestimable.

L’arrivée d’Internet, sa viralité et la multiplication des plateformes comme Twitter dans le paysage médiatique ont-elles joué un rôle dans la prise de conscience des politiques de leur image ?

Jean-Claude Coutausse : Je suis plutôt étonné du peu d’influence de la presse Internet sur la campagne. De mon point de vue, ce sont souvent des gens qui ont dépassé la cinquantaine qui s’intéressent le plus à la politique. Les meetings sont entrés dans les salons grâce à la télévision. Je pense qu’il faut attendre encore un peu, avec les nouvelles générations pour qu’Internet ait un poids vraiment significatif. Après, mon blog sur lemonde.fr (ndlr : Bains de foule) a été une bénédiction. Je met ce qui me plait. On attend aussi que de vrais services photos se développent sur la presse en ligne.

Cyril Bitton : J’ai plutôt l’impression qu’ils s’inquiéteront vraiment d’Internet à la prochaine présidentielle en 2017. Dans celle-ci, ce sont les télévisions en continu qui ont mené la danse. Elles sont toujours très proches. Pour ce qui concerne Marine Le Pen, des déplacements ont même été annulés ou déplacés pour avoir la présence des télévisions en continu. C’est très important, malgré un réseau comme Twitter. La différence sur le terrain, entre 2002 et aujourd’hui, c’est le nombre de caméras et de perches.

France, La Rochelle. Université d'été du Parti Socialiste. Mairie de La Rochelle, réunion des présidents de régions PS. Ségolene Royal parle à la presse. Jeudi 14 aout 2006. ©Jean-Claude Coutausse

Depuis le “casse toi pauv’ con” les télévisions laissent trainer leurs micros, ils se tiennent à 10 cm du candidat. Nous ne pouvons plus travailler tanquillement, nous n’arrivons pas à avoir un décor pour contextualiser, eux non plus. Ils interrogent les candidats sur n’importe quoi en espérant avoir une petit phrase clef. Et c’est difficile pour nous, photographes, avec cet agglutinement, d’avoir une bonne photo. Il faut rester longtemps sur place quand le cercle se relâche, récupérer de l’espace et prendre des photos.

Ton portfolio “Au nom du père” consacré à la campagne de Marine Le Pen, a provoqué des réactions de rejet et de gêne. Tu parlais aussi de délit de faciès…

Cyril Bitton : Ce que je trouve intéressant, c’est l’idée de prêter attention à la forme pour faire ressortir le fond. Pour ce qui est de Le Pen, je travaille le plus honnêtement possible, je n’invente aucune situation, je montre ce que je vois. Je suis Marine Le Pen depuis qu’elle a pris la tête du parti et le FN depuis dix ans.

Le Congrès du Front National à Tours qui voit Marine Le Pen devenir Présidente du FN. Janvier 2011 © Cyril Bitton/French-politics.com

Je montre simplement ce qu’elle fait : elle essaie de montrer que le parti est différent. Ou comment elle est : dans certains de ses déplacements, les moments où elle est à l’aise, et d’autres non, car elle ne se retrouve pas devant son public habituel. J’aurais passé moins de temps à faire une sélection si j’avais juste pris des photos ou elle apparaissait méchante.

Pire, en faisant ça, j’aurais eu le même raisonnement qu’eux, c’est à dire fonctionner au délit de faciès. Ce que je montre est la réalité pas une caricature.

Et c’est plus intéressant de susciter des réactions avec ce travail surtout si cela permet de poser la question des idées.  Si on ressent une gêne à leur vue, on a une chance, c’est d’aller voter contre ces idées.

Grande fête champêtre du Front National à Vaiges en Mayenne le 17 septembre 2011 pour marquer l'entrée en campagne de Marine Le Pen pour l'élection présidentielle de 2012 - Marine Le Pen signant des autographes aux enfants présents sous la pluie.© Cyril Bitton/frenchpolitics.com

Est-ce que ces réactions de gêne ne sont pas dues au fait que son père paraissait finalement très caricatural, quelque soit l’angle sous lequel on le prenait en photo ?

Cyril Bitton : Clairement, Marine Le Pen joue beaucoup de sa féminité par rapport à son père. Mais les journaux ont une responsabilité là-dedans. Entre 2001 et 2002, très souvent les magazines ne demandaient que des photos où Jean-Marie Le Pen faisait des grimaces et paraissait dur. Au début de cette campagne 2012, je voyais beaucoup de téléchargements de photos de Marine Le Pen sur notre site french-politics, où elle était “normale”.

Paris le 2 février 2012. Marine Le Pen presente son comité de soutien qui est dirigé par Gilbert Collard. © Cyril Bitton/French-politics

Elle est même passée dans le magazine ELLE . C’est du jamais vu. La responsabilité des journaux est là, entre demander des photos de son père où il est agressif et rester dans la caricature, et pour sa fille ne prendre que des images ou elle est souriante. C’est aussi un choix éditorial.

Jean-Claude Coutausse : C’est un débat intéressant. Depuis 1986 une bonne partie de la société se complait dans cette caricature, “ce sont des nazis, ils ont de gros souliers”. Comme cette dame qui avait dit : “des crapeaux sortent de sa bouche [Marine Le Pen]” après la projection du portfolio de Cyril . Hors la réalité n’est pas là. Nous avons toujours cette référence à la deuxième guerre mondiale et au nazisme alors que le FN est issu de notre propre société. C’est plus difficile à admettre. Il arrive un moment où les photographes et journalistes qui les approchent veulent raconter cette réalité, ce que montre bien Cyril. La caricature est confortable presque rassurante, mais totalement inefficace.

Cyril Bitton : Et ça ne nous remet pas en cause. On est encore sur le physique. Alors que ce sont les idées qu’il faut combattre.


Photographies par ©Jean-Claude Coutausse et © Cyril Bitton / French Politics. Tous droits réservés.

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Objectif électeurs #3 http://owni.fr/2012/04/19/objectif-electeurs-elections-presidentielle-photojournalisme/ http://owni.fr/2012/04/19/objectif-electeurs-elections-presidentielle-photojournalisme/#comments Thu, 19 Apr 2012 12:48:06 +0000 Ophelia Noor http://owni.fr/?p=106865
Objectif électeurs

Objectif électeurs

OWNI est partenaire du projet 21 voix pour 2012, soit 21 portraits d'électeurs par des photojournalistes, autour ...

Une série de portraits pour témoigner des préoccupations et des attentes de citoyens à quelques semaines des élections présidentielles.  Prendre le pouls des électeurs, dans leur diversité politique, sociale, économique.

Hier soir se tenait à La Cantine une soirée de débat et de projections avec l’équipe du projet 21 voix pour 2012 et la présentation de leur webdocumentaire 60 secondes pour un quinquennat.

Le débat était animé par Ziad Maalouf de l’Atelier des médias, et était intitulé “Les politiques dans l’oeil du viseur” :

Du terrain aux rédactions comment les métiers de l’image fixe travaillent-ils ? Entre fausses coulisses, fausses confidences, mises en scène du pouvoir et volonté d’informer, comment photojournalistes, iconographes et illustrateurs contournent-ils ces obstacles ? Qu’est ce que le web, sa viralité et ses nouveaux usages changent aux dispositifs d’information et de communication politique ?

Nous vous présentons le troisième épisode de la série 21 voix pour 2012, avec le portrait de Jérémie par Morgane Fache et celui de Vincent par Jacob Khrist.

Jacob Khrist : la décroissance

Vincent Liegey et Daniel Mermet à Budapest pendant l'émission Café Repaire Là-bas si j'y suis (France Inter) - Janvier 2012 - © Jacob Khrist/21voix2012

Jacob Khrist est à la recherche de son sujet pour le projet 21 voix pour 2012 quand il rencontre Vincent Liegey dans un café au mois de décembre 2011.  Dès le lendemain, il réalise une interview et programme son départ pour Budapest. “Vincent est doctorant, marié à une député hongroise du parti alternatif LMP. Ce qui m’intéressait aussi c’était la vision globale de la politique à notre époque, d’une personne de notre âge qui vit dans un pays où des idées extrémistes reviennent en force”.

Jacob se rend à Budapest en janvier et se retrouve, par un heureux hasard du calendrier, présent au moment où Daniel Mermet et Antoine Chao venaient enregistrer une série d’émissions pour Là-bas si j’y suis : La Hongrie en marche arrière.

Daniel Mermet, Antoine Chao et Judit Morva, rédactrice en chef du monde diplomatique édition hongroise, à Budapest en janvier 2012 pour Là-bas si j'y suis - © Jacob Khrist/21voix pour 2012

Quand j’entends : ‘une croissance illimitée dans un monde limité est une absurdité’ , je me sens en harmonie avec cette idée, le fait que la société actuelle a atteint ses limites. La décroissance est une idée qui me touche.

Vincent Liegey était le contact de Daniel Mermet à Budapest et Jacob Khrist se retrouve presque tous les soirs avec l’équipe du café repaire. “C’était un long et “gros” week-end de janvier. Avec des manifestations pour et contre le régime de Viktor Orban et le congrès annuel du parti alternatif LMP.  Et d’autres symboles tombaient, comme le lieu culturel Gödör, repris par une personne proche des idées d’Orban.”

Cliquer ici pour voir la vidéo.


L’éclosion

Vincent me parlait de la dépersonnalisation de la politique notamment dans le mouvement de la décroissance. Tout le monde peut être porte parole, électeur, ou devenir candidat. Ils disent : “Notre candidate est la décroissance”. Ce qui me touchait, c’était d’abord le côté universel de sa vision de la société. J’ai cherché à faire ressortir cela dans ma sélection audio et graphique. J’ai donc choisi de travailler sur la déclinaison d’un seul portrait avec un mouvement d’éclosion. Je représente d’abord Vincent au travers un flou avec l’idée qu’il pourrait être chacun d’entre nous. Même si on l’entend se présenter, au tout début de la P.O.M,  je voulais qu’on rencontre son regard, qui est assez fort, seulement à la fin.

Vincent Liegey - © Jacob Khrist/21voix2012

Dans ce regard, je me vois en train de prendre la photo. Mais l’idée est, à nouveau, que cet autre pourrait être chacun d’entre nous. Dans ces yeux, il y a l’autre. C’est toujours la recherche du regard qui m’importe, quelque chose qui tient de la pureté, mais aussi, la notion de flou. Je cherchais ce mouvement entre l’éclosion et l’universalité, pour représenter cette idée : la relation entre la décroissance en politique et l’épanouissement de la personne dans la société.

Budapest - © Jacob Khrist/21voix2012

Morgan Fache : les néo-ruraux

Morgan Fache suit des néo-ruraux depuis trois ans. Un sujet au long cours qu’il garde de côté pour le moment.  “Je suis plusieurs personnes qui font ce qu’on appelle ‘un retour à la terre’. Beaucoup lâchent car c’est fastidieux. Mais mon but est de suivre leur évolution dans le temps, montrer les côtés positifs et négatifs.” Ces néo-ruraux sans terres suivent une formation, apprennent les rudiments du métier et terminent leur parcours par un stage et une passation de terre quand cela est possible. Morgan ajoute :

Le problème des jeunes agriculteurs c’est le foncier. Si on ne leur lègue pas une terre, il faut l’acheter, et les terres a louer sont rares.

Jérémie © Morgan Fache /21 voix pour 2012

Point de départ, le Tarn, son département d’origine.  Morgan cherche pour le projet 21 voix un profil de paysan plutôt militant et cultivant du bio. Après une déconvenue, il se tourne vers un ami, Jérémie, en reconversion lui aussi.  “Il sort de cette même formation. Je me rappelle d’une époque où il était un peu perdu. Pas tant sur ce qu’il voulait faire, mais plutôt sur comment il allait le faire.  Après cette formation il a eu la chance de trouver une terre à louer et de ne pas avoir de soucis par rapport à son habitat.”

Sur les routes du Tarn © Morgan Fache /21 voix pour 2012

Morgan Fache passe deux jours avec Jérémie et son entourage. “Jérémie développe une agriculture hors des sentiers battus, hors labels. Il fait partie de Nature et progrès une fédération de consommateurs et d’agriculteurs avec un côté plus social qu’un simple label bio. Les échanges entre les gens sont prépondérants. C’est ce que Jérémie a toujours recherché. “

Cliquer ici pour voir la vidéo.

La terre à l’avenir

Il est 17h ou 18h. Nous sommes au mois de décembre. Il fait déjà nuit. Jérémie livre ses produits frais sur une aire d’autoroute juste avant d’entrer sur Albi. Il a une dizaine de clients fidèles, des particuliers. Ils se retrouvent deux fois par semaine avec un autre maraîcher. À deux, ils peuvent proposer plusieurs variétés de légumes et ils peuvent aussi se relayer. À partir de là tout va très vite.  Ils discutent pour voir si la santé est bonne, ils se connaissent depuis longtemps. L’ambiance est sympa, ces personnes viennent même le voir de temps en temps le week-end sur ses terres.

Portrait de Jérémie par © Morgan Fache / 21 voix pour 2012

Nous sommes repartis dans sa voiture, Bob Marley en fond sonore. C’est sur ce chemin du retour que j’ai pris la photo. Il a l’air en paix et dans son monde. La lumière était belle, avec celle des phares conjuguée à celle des petits villages que nous traversions. Cet aller vers la terre lui correspond, cela fait dix ans qu’il en parle. Même si ce n est pas toujours simple au niveau financier, Jérémie réalise ce qu’il avait envie d’être.

Sur les terres de Jérémie © Morgan Fache /21 voix pour 2012


Photographies par ©Jacob Khrist et @Morgan Fache pour le projet transmédia 21 voix pour 2012

Les photographes

Morgan Fache vient d’avoir 31 ans. Travailleur social pendant cinq années dont la moitié à l’étranger, c’est en Nouvelle-Calédonie en 2008 qu’il décide de faire de la photographie son métier. Après un CAP photo, il enchaîne les postes d’assistant auprès de différents photographes et répond à ses premières commandes en freelance. Intéressé par des thèmes sociaux et particulièrement le travail de mémoire sur les communautés dites marginales, il intègre la filière photojournalisme de l’EMI-CFD en 2011.

Jacob Khrist a (bientôt) 33 ans. L’appareil photo constamment en bandoulière, il documente la scène artistique parisienne pendant plusieurs années. C’est à travers les portraits qu’il retranscrit sa vision du monde, et de l’humain. Son intérêt pour les nouvelles formes de narration et les possibilités offertes par le “transmédia”, l’amènent à l’EMI-CFD en 2011.

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Objectif électeurs #2 http://owni.fr/2012/04/15/objectif-electeurs-2-elections-presidentielle-photojournalisme/ http://owni.fr/2012/04/15/objectif-electeurs-2-elections-presidentielle-photojournalisme/#comments Sun, 15 Apr 2012 12:37:47 +0000 Ophelia Noor http://owni.fr/?p=106053 21 voix pour 2012, ce sont 21 photojournalistes partis à la rencontre de 21 électeurs aux quatre coins de la France. Une série de portraits qui vise à témoigner des préoccupations et des attentes de citoyens à quelques semaines des élections présidentielles.
Objectif électeurs

Objectif électeurs

OWNI est partenaire du projet 21 voix pour 2012, soit 21 portraits d'électeurs par des photojournalistes, autour ...

Prendre le pouls des électeurs, dans leur diversité politique, sociale, économique. Certains se prononcent pour un candidat, d’autres hésitent ou choisissent de voter blanc.

Les personnes ont été choisies en fonction des thématiques qui traversent les débats de la présidentielle, 21 en tout, – chômage, réforme de la retraite, immigration, agriculture, décroissance, éducation, etc. – Chaque photojournaliste a choisi un électeur en fonction de la thématique qui les intéressait ou en fonction des contraintes du projet (respect de la parité, diversité et thèmes et des catégories socio-professionnelles). Puis le réseau de leurs contacts a fait le reste.

Le deuxième volet de ces 21 P.O.M (Petites Œuvres Multimédia) part à la rencontre de Fabienne, enseignante à ESMOD et déçue du sarkozysme, par le photographe Benjamin Leterrier. Et de Delphine, jeune diplômée à la recherche d’un emploi, par la photographe Karin Crona. Nous vous donnons rendez-vous le 19 avril à La Cantine pour une soirée de projections et de débat autour de la représentation et la perception du politique dans les médias.

Karin Crona : le chômage

Delphine au Secours catholique. Elle y est bénévole sur son temps libre. ©Karin Crona/21voixpour2012

Karin Crona, a rencontré Delphine à un moment de ras le bol dans sa recherche d’emploi. Elle enchaînait les stages sans jamais trouver de CDD ou de CDI depuis plus d’un an. “Ce qui m’a frappé c’est sa volonté de ne pas rester inactive, de ne pas baisser les bras. Elle attendait une réponse pour un CDD quand je l’ai rencontrée mais elle était prête à reprendre un stage si cela ne marchait pas” raconte Karin.

Delphine donne du temps au Secours catholique, franchit de portes et enchaîne les entretiens. Karin ajoute,“au début de sa vie professionnelle, on a envie de s’investir et on ne s’attend pas à la commencer avec du chômage ou des stages à n’en plus finir. J’espérais pouvoir montrer ce cheminement, dans la recherche d’un emploi”.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Un si long chemin…

Delphine habite un immeuble élégant dans le 17eme arrondissement de Paris. Je l’ai vu deux fois chez elle. Pour accéder à sa chambre de bonne, il faut franchir beaucoup de portes, traverser la cour de l’immeuble jusqu’au fond, prendre les escaliers de service jusqu’au 7ème étage à pied et longer des couloirs. Ces escaliers sont étroits et vides. On se sent seul dans l’ascension, sans présence de voisins, avec sonnettes et paillassons. Pour moi, tout ce trajet était devenu symbolique du chemin qu’elle a du parcourir pour trouver du travail.

Delphine, jeune diplômée à la recherche d'un emploi par ©Karin Crona/21 voix pour 2012

Au départ, je voulais faire une séquence de stop motion où elle marche dans ce long couloir. Je lui ai demandé de se placer, et j’ai fait les photos. J’aimais bien cette lumière qui sortait derrière elle, au bout de ce long tunnel. Ce n’est qu’au moment du montage, que cette photo ma frappée, avec toute la symbolique qui s’en dégageait. Je trouvais qu’elle sortait du lot, qu’elle cristallisait son histoire et je l’ai gardée telle quelle.

Benjamin Leterrier : éducation et emploi

“Notre démarche sur le projet 21 voix pour 2012 était de respecter entre autres choses, la parité. À un moment donné, nous avions 5 femmes représentée pour 16 hommes. C’est cette contrainte qui m’a fait découvrir l’univers de la mode et m’intéresser de plus près aux enjeux de l’éducation et de l’emploi des jeunes,” raconte Benjamin Leterrier. Il rencontre Fabienne, professeur de stylisme à l’Ecole supérieure des arts et techniques de la mode (ESMOD).

Les élèves de l'école ESMOD au travail © Benjamin Leterrier/21 voix pour 2012

Déçue des promesses faites par le gouvernement Sarkozy, c’est son rapport avec ses élèves, son inquiétude et son sens de la responsabilité face à leur avenir qui a frappé Benjamin Leterrier. “On voit qu’elle est proche d’eux, qu’elle se sent responsable, et en opposition, elle ressent très fortement l’éloignement des hommes politiques des citoyens.”

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Transmission

C’était en fin d’après-midi. Les élèves ont tous un projet personnel de collection de vêtements à réaliser sur plusieurs mois. Ce jour là, ils passaient voir Fabienne avec leurs ébauches. ESMOD accueille beaucoup d’élèves des pays asiatiques et Fabienne donne aussi ses cours en anglais. Son parcours personnel est intéressant car elle a étudié dans cette même école, puis a travaillé dix ans en Chine dans une usine de textile avant de revenir travailler ici.

Fabienne et son élève © Benjamin Leterrier/21 voix pour 2012

Toutes les deux étaient très concentrées comme dans une bulle. Autour d’elles il y avait plusieurs élèves dans une grande salle. Je me suis placé comme une petite souris derrières elles. C’est ce moment de proximité, de transmission et d’attention que je voulais capter.


Photographies par Karin Crona © etBenjamin Leterrier © tous droits réservés

OWNI s’associe à au projet 21 voix pour 2012 avec La CantineSilicon Maniacs, Youphil, L’Atelier des médias, l’EMI-CFD et le Studio Hans Lucas. Nous vous donnons rendez-vous le 19 avril à La Cantine pour une soirée de projections et de débat autour de la représentation et la perception du politique dans les médias. Inscrivez-vous !

Les photojournalistes :

Karin Crona a 43 ans et vit en France depuis 12 ans. Graphiste de métier, dans l’édition et dans la presse, elle décide de faire de la photographie son métier principal depuis 5 ans. C’est le partage de ses clichés sur internet qui la pousse à se lancer. Elle traite des thèmes sociaux, liés à l’éducation, la précarité et l’exclusion.

Benjamin Leterrier a 38 ans. Biologiste et journaliste de formation, il découvre la photographie en 2001 lorsqu’il part s’installer à la Réunion. Il commencera à collaborer avec la revue du CNRS en avril 2012.

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Objectif électeurs http://owni.fr/2012/03/27/objectif-electeurs-21-voix-pour-2012-photojournalisme/ http://owni.fr/2012/03/27/objectif-electeurs-21-voix-pour-2012-photojournalisme/#comments Tue, 27 Mar 2012 15:11:35 +0000 Ophelia Noor http://owni.fr/?p=102596 OWNI est partenaire du projet 21 voix pour 2012, soit 21 portraits d'électeurs par des photojournalistes, autour des thèmes de la campagne. Rendez-vous le 19 avril à La Cantine pour une soirée de projections, de débats et d'ateliers autour de la représentation et la perception du politique dans les médias.]]> 21 voix pour 2012, ce sont 21 photojournalistes partis à la rencontre de 21 électeurs aux quatre coins de la France. Une série de portraits qui vise à témoigner des préoccupations et des attentes de citoyens à quelques semaines des élections présidentielles. 
Objectif électeurs #2

Objectif électeurs #2

21 voix pour 2012, ce sont 21 portraits d'électeurs par des photojournalistes, autour des thèmes de la campagne. Rencontre ...

Prendre le pouls des électeurs, dans leur diversité politique, sociale, économique. Certains se prononcent pour un candidat, d’autres hésitent ou choisissent de voter blanc.

Les personnes ont été choisies en fonction des thématiques qui traversent les débats de la présidentielle, 21 en tout, – chômage, réforme de la retraite, immigration, agriculture, décroissance, éducation, etc. Chaque photojournaliste a choisi un électeur en fonction de la thématique qui les intéressait. Puis le réseau de leurs contacts a fait le reste.

Nous diffuserons ces prochaines semaines quelques-unes de ces 21 P.O.M (Petites Œuvres Multimédia) en demandant à chaque photojournaliste de nous parler d’une photo de leur choix. OWNI s’associe à ce projet avec La CantineSilicon Maniacs, Youphil, L’Atelier des médias, l’EMI-CFD et le Studio Hans Lucas.

Nous vous donnons rendez-vous le 19 avril à La Cantine pour une soirée de projections, de débats et d’ateliers autour de la représentation et la perception du politique dans les médias.

Milan Szypura : l’artisanat


Jara par ©Milan Szypura/21voixpour2012

Le premier épisode de la série 21 Voix pour 2012 nous emmène dans un petit village du Loir-et-Cher à Saint-Agile. Le photojournaliste Milan Szypura est parti à la rencontre de Jara, artisan du cuir et sellier.  La question qui l’intéressait était de savoir comment une petite entreprise pouvait fonctionner sans que la croissance soit une fin en soi. “Il ne s’agit pas ici de décroissance” nous raconte Milan Szypura. Ce qui m’interpelle, c’est d’arriver à travailler,  en étant en accord avec ce que l’on produit, en misant sur la qualité et le local, sans chercher à gagner énormément d’argent.”

Cliquer ici pour voir la vidéo.

La Ferrari rouge

Cette photo me parait intéressante pour sa valeur de contraste. Nous nous retrouvons dans son atelier de cuir, avec beaucoup de bordel, et au moment où la photo apparait dans le diaporama sonore, Jara dit qu’il n’a pas beaucoup senti la crise à son niveau. Je trouvais ça beau de mettre cette photo en contraste avec ces paroles. Évidemment cette Ferrari n’est pas à lui et, même si cela peut prêter à confusion à la première lecture, j’avais confiance dans le déroulement de l’histoire.

Jara Buschhoff dans son atelier - ©Milan Szypura/21voixpour2012

Parmi les clients de Jara, beaucoup de gens possèdent des voitures de luxe. En dehors des selles de cheval et de la maroquinerie, ils refont tout l’intérieur cuir de ces bolides. Dans l’atelier, on trouve toujours une de ces énormes voitures, mais j’ai eu de la chance cette fois-là d’avoir une Ferrari rouge. La semaine d’avant c’était une Rolls Royce blanche, et encore avant une Bentley bleue. Je trouvais que ce décalage était intéressant et emblématique du contraste entre ces voitures de luxe et la simplicité de leur mode de vie et de production artisanale, dans ce petit village perdu du Loir et Cher.

Jara Buschhoff, travailleur de cuir en région centre, chez lui le 26 Novembre 2011, au lieu-dit « Les Noyers» près de Souday ©Milan Szypura/21voixpour2012

Toufik Oulmi : l’islam

L’idée pour Toufik Oulmi, était d’aller au-delà du cliché véhiculé par les médias, celle d’un islam radical prôné par des barbus en djellaba. Lui qui n’est pas musulman, ne reconnait pas les gens de son entourage dans ces portraits médiatiques. Il rencontre Abdou, 38 ans, responsable ressources humaines par l’intermédiaire d’amis communs. “Je voulais montrer à travers Abdou, l’image que je connais de ces Français musulmans pratiquants.”

Deuxième cour de la mosquée de Paris près de la salle des prières. ©Toufik Oulmi/21Voixpour2012

Toufik Oulmi avait déjà une idée précise de la scénarisation de son reportage : “Je savais que je ne voulais pas montrer Abdou de face dès le départ.” Parler de cette religion en France, telle qu’elle est pratiquée par la majorité. Et parmi ces musulmans, des cadres, comme Abdou. “Je montre ses mains, sa silhouette de dos, je voulais laisser le spectateur imaginer son visage jusqu’au bout pendant qu’il nous parle. Je recherchais une ambiance de polar et  le noir et blanc allait de pair avec cette narration.”

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Derrière la vitre

On venait juste d’arriver chez lui. C’était la troisième et dernière fois que je voyais Abdou. Il commençait à me parler des jeunes diplômés qui partaient au Qatar mais je ne l’enregistrais pas à ce moment là. Il se mettait à l’aise, me disait de faire de même. J’avais toujours mon appareil photo à la main.

Portrait d'Abdou par ©Toufik Oulmi/21Voixpour2012

En fait j’étais placé devant la fenêtre. Juste avant, Abdou m’avait montré la vue sur la mosquée. J’essayais de la voir pendant qu’il me parlait. Ce n’était pas évident, de nuit avec tous les reflets des lumières et la buée. Abdou se tenait derrière moi, en train de se déplacer, je pense vers la cuisine. C’est à ce moment là que j’ai vu son ombre-reflet sur la vitre. Et j’ai déclenché.

À cette période, j’avais déjà commencé à monter une partie de la P.O.M, et je me sentais déjà dans l’ambiance polar. Je suis très cinéphile. La grosse lumière derrière son visage, venait de sa lampe halogène cassée qui penchait sur le côté. Je trouve que cette image reflète bien cette ambiance polar que je recherchais,  le côté mystérieux, le fait aussi de s’interroger sur les questions d’identité. Mais sur le coup, tu déclenches, tu ne penses pas à tout ça.

Les mains d'Abdou, face à la mosquée de Paris ©Toufik Oulmi/21voix pour2012


Vous pouvez soutenir le projet 21 VOIX POUR 2012 en faisant un don sur la plateforme de crowfunding KISS KISS BANK BANK

Photographies par Milan Szypura © etToufik Oulmi © tous droits réservés

Les photojournalistes :

Milan Szypura, 35 ans, ancien danseur contemporain, a commencé à documenter son environnement artistique avec un appareil photo argentique. Il se lance en tant que photographe professionnel en 2007 et après un passage par les Gobelins, il se forme aujourd’hui au photojournalisme à l’EMI-CFD. Son objectif, la couverture des conflits armés.

Toufik Oulmi a 39 ans. Après avoir été informaticien pendant de longues années, il prend l’avion pour la Tunisie en mars 2011. Dans le camp de Choucha, à la frontière tuniso-libyenne, il capture ces moments d’élégance et de dignité des réfugiés, dans la détresse de l’attente interminable pour passer la frontière. Ce reportage lui vaudra d’être lauréat du prix Polka Magazine/SFR jeunes talents 2011.

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Rencontre avec Hey ! http://owni.fr/2012/02/23/rencontre-avec-hey-pop-art-underground/ http://owni.fr/2012/02/23/rencontre-avec-hey-pop-art-underground/#comments Thu, 23 Feb 2012 16:22:23 +0000 Ophelia Noor http://owni.fr/?p=98790 Hey! défend depuis deux ans les formes artistiques marginales et leurs évolutions. Retour sur la genèse du magazine et les 20 ans de parcours macadamisé de ses fondateurs Anne & Julien.]]>

Couverture de HEY par Hendiedan ©

HEY! la revue d’art contemporain et de pop culture a ouvert les portes de son cabinet de curiosités à la Halle Saint-Pierre à l’automne dernier. Avant la clôture de l’exposition en spectacle les 3 et 4 mars, OWNI a plongé dans les entrailles de HEY! deux ans après son lancement, pour remonter aux origines de la création d’une “revue-oeuvre” et découvrir ce qui fait courir ses fondateurs Anne & Julien, et leur troupe. Tour à tour journalistes, curateurs, passeurs mais également artistes-performeurs à la tête d’une compagnie, HEY! étend son monde grouillant et décalé au delà du papier. L’aboutissement et la fusion de passions exprimées depuis le milieu des années 80 dans les rues de Paris. Entretien avec Anne, dans les locaux de la rédaction.

Nés dans la rue

Nous avons commencé par le spectacle de rue dans les années 80 à Paris. Nous avions une idée, on l’écrivait. Ensuite on montait une équipe de 40 personnes, on bloquait une rue, de préférence avec une librairie ou une galerie avec laquelle on faisait un partenariat. C’est une époque où on pouvait être libres, la ville a changé mais c’est un mouvement perpétuel. Nous envahissions les magasins et le spectacle durait toute la nuit avec une programmation cinéma. Nous avons fait ça pendant quelques années avec Julien, en auto-production.

De la rue à la galerie

Nous en avons eu assez de tout le temps bouger et nous avons ouvert une galerie au début des les années 90 dans le 18ème arrondissement, rue Eugène Sue. Notre idée paraissait suicidaire. Le crack commençait à arriver dans le quartier et à cette époque le marché de l’art s’effondrait. Nous montrions déjà les œuvres qu’on trouve aujourd’hui dans les pages de HEY! De l’outsider, du brut, du graffiti, du pochoir. Nous avons vu le graffiti et la culture hip-hop arriver des États-Unis, et toute la transhumance des transformations corporelles et sexuelles. Cette période a duré trois ans,  puis on a cessé à nouveau d’être sédentaires.

Marges musicales

Nous avons écrit sur la musique, un livre puis deux, et on s’est très vite retrouvés chroniqueurs radio. On a commencé sur Europe 1, c’était le début des raves parties. Nous étions avec Laurent Garnier qui parlait de ce qui se passait à Manchester et avec Julien nous parlions de BD et de rock. De fil en aiguille, nous sommes devenus journalistes spécialisés.

Exposition de la Halle Saint-Pierre 2001/2012 - Césarienne encre - 2011 26 x 17 cm - par BLANQUET ©

Free press : la famille Bizot & NOVA MAG

Une seule famille défendait vraiment ce que nous soutenions en terme de presse, c’était celle d’Actuel. C’est à ce moment là que nous avons rencontré Jean-François Bizot . Nous avons continué à défendre ce qu’on aimait, les marges en peinture et en musique, au sein du tout nouveau Nova Mag, créé en 1994.

couverture de HEY par McKimens ©

La période Nova Mag, c’était le tout début des raves, du Summer of Love 2. Avec Julien nous sentions que quelque chose de révolutionnaire se passait et deux ans après, les free parties arrivaient. Nous défendions ce son en radio alors que c’était encore très underground et que beaucoup de gens le jugeaient inécoutable. De son côté, Laurent Garnier défendait la culture club. Nous en profitions aussi, nous avons vécu la très belle période du Queen. Mais le côté plus sauvage de la musique nous attirait : la techno pure, le mélange techno, ragga et reggae. Et tout ce qui était techno hardcore, breakcore et leurs évolutions avec la naissance de la Jungle puis de la Drum’n’Bass.

Exposition de la Halle Saint-Pierre 2001/2012 - Au rendez vous des innocents - détails encre sur papier - 2011 70 x 240 cm par Jean-Luc Navette ©

Une vision singulière du monde

Beaucoup de gens projettent l’idée que les marges sont de l’entre-soi, ce n’est pas du tout ça. La marge est la projection d’une vision singulière du monde. C’est la déclaration de l’exposition. Les gens que nous avons réunis puisent leur discours dans un terreau qui nous est commun à tous, la société technicienne, populaire, la médiatisation, le ludique.

Populariser les marges

En presse, en radio et en télévision, nous avons toujours développé un discours sur la défense des marges, quoi qu’il arrive, en vulgarisant, en expliquant. Nous voulions  introduire un discours de spécialistes dans des supports généralistes, pour atteindre les gens qui pouvaient s’y intéresser. Nous en avions marre de lire n’importe quoi sur ce que nous aimions. Mais la crise de la presse est passée par là, avec la place grandissante prise par les annonceurs. Nous avons pris la décision de ne pas participer à ce système. Les conférences de rédaction avec Bizot par comparaison étaient très créatives, les idées fusaient dans tous les sens. Après la période NovaMag, les autres rédacteurs chefs ne comprenaient rien à nos sujets. Et parfois modifiaient le sens de nos papiers. Nous avons toujours travaillé pour dire des choses, nous ne voulions pas piger pour piger. Le travail doit être rempli de sens. Sinon, on n’a plus rien à foutre là.

Mademoiselle insecte gouache sur toile de lin - 2010 46 x 46 cm - BLANQUET © - Exposition Halle Saint-Pierre 2011-2012

Nous avions assez d’années de métier pour arriver à faire notre propre revue, dans des conditions qui nous convenaient c’est-à-dire sans aucune concession. Je ne considère pas mon lectorat, je suis dans une entreprise totalement égoïste, je veux lire ce qui me correspond moi. Quand tu aimes des choses particulières, les marges, tu penses que tu es seul au monde mais c’est faux. Ce sont juste les réseaux de communication entre les groupuscules qui n’existent pas.

Couverture de HEY! par LAKRA ©

La création, un geste intime et égoïste

Après deux années de HEY!, j’ai pu vérifier un point que beaucoup d’auteurs et d’artistes m’ont dit tout au long du parcours : “un bon livre, une bonne œuvre exclut complètement les autres”. L’acte de création est un geste intime et égoïste, qui fonctionne en circuit fermé. Ce qui prime, c’est de savoir quel sens on lui donne et ce qu’on met dedans. La difficulté ici, c’est que c’était une revue, destinée à être lue. Dans l’acte de la création ce geste de liberté est primordial, que je vende ou pas. C’est galvanisant en tant que journaliste d’être un pôle de passage mais au final nous ne faisons que transmettre et partager le travail des artistes.

Exposition de la Halle Saint-Pierre 2001/2012 - Tina Croisière 1 encre sur papier - 2001 30 x 25 cm par NUVISH ©

“Hey, je voudrais Hey !”

Nous cherchions un nom qui soit le contraire de tout ce que la presse essaie de faire. Qui soit débile voire difficile à prononcer : “bonjour je voudrais hey !”. Quelque chose qui nous renvoie à la rue et son énergie, car nous venons de là et nous sommes tout le temps branché dessus. Hey !, c’est une interjection de base, de la rue, elle est internationale, et dans n’importe quelle BD ou fanzine, tu trouves toujours un hey!

Branche ton gramophone !

Nous sommes des férus de musique. Plus on travaille, plus on fait la fête. Nous avons commencé à débarquer aux soirées avec nos gramophones et nos vinyles. C’est là qu’est né notre groupe, 78 RPM Selektor. En 2008, les Transmusicales de Rennes cherchaient une première partie pour The Residents et on a fait notre première scène avec eux devant 3 000 personnes. Notre proposition était complètement freaks.

Spectacle de la compagnie HEY!

La compagnie HEY!

En créant la revue, nous sommes retrouvés responsables de tout, et nous avons aussi décidé de monter sur scène et de créer une compagnie. Nous ne pouvions plus assumer la division de nos deux projets. Nous avons fait rentrer des peintres dans cette dimension scénique musicale. Et c’est bon d’avoir 14 ans jusqu’à 80 ans. Les gens aiment ou n’aiment pas, mais ils ont tous la sensation d’avoir vécu quelque chose. Comme en lisant HEY!, tu aimes ou tu détestes mais tu ne peux plus l’ignorer.

La compagnie HEY !

“Revenir à la beauté des choses”

Nous faisons partie de cette multitude de gens qui en ont assez qu’on nous présente un chaise blanche sur un fond blanc avec un concept de quatre pages pour comprendre que c’est une œuvre d’art. Nous voulons revenir à la vraie beauté. Tu es devant une vraie proposition même si tu es autodidacte. T’aimes ou t’aimes pas, mais ça n a rien a voir avec l’acte de création de l’artiste. L’impact est fort dès le départ avec une excellence de technique. Les professionnels du marché de l’art contemporain ne peuvent pas nous retirer ça et je pense qu’on arrive à susciter l’interrogation. Nous sommes pour le retour de la vraie beauté. C’est pour ça que HEY marche à mon sens. Nous avons des convictions, nous sommes au cœur d’une centrifugeuse humaine et c’est ce que l’art contemporain a oublié. L’humain.


Exposition HEY! à la Halle Saint-Pierre jusqu’au 4 mars. HEY! reviendra s’y installer en janvier 2013 pour 9 mois.
Spectacle de clôture de l’exposition avec la compagnie HEY! les 3 et 4 mars à l’auditorium Saint-Germain.

La revue HEY! est disponible en librairie.

Photos par Zoe Forget ©

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Les artistes veillent sur les caméras http://owni.fr/2011/12/15/les-artistes-surveillent-les-cameras-surveillance-cctv-big-brother-street-art/ http://owni.fr/2011/12/15/les-artistes-surveillent-les-cameras-surveillance-cctv-big-brother-street-art/#comments Thu, 15 Dec 2011 17:01:50 +0000 Ophelia Noor http://owni.fr/?p=90475 Dès le milieu des années 90 plusieurs collectifs informels s’attaquent à la question de la vidéosurveillance dans l’espace public, notamment aux États-Unis. Parmi eux,  Surveillance Camera Players attire l’attention de leurs concitoyens sur ce sujet en jouant des pièces de théâtre avec des pancartes, comme Ubu Roi ou des passages du livre 1984 d’Orwell sous l’oeil des caméras de la ville de New York. “Les collectifs qui se sont intéressés à ce thème par des actions artistiques de rue viennent également de milieux universitaires comme les membres de l’IAA (Institute of Applied Autonomy) qui avaient distribué des “Routes of least surveillance” c’est-à-dire des cartes de New York qui montraient les zones sans surveillance”, explique Samira Ouardi auteur du livre Artivisme.

D’autres collectifs historiques, comme Ligna, venu de la radio libre allemande, avaient mis en place des happenings de 200 personnes dans les lieux publics, avec une chorégraphie de gestes interdits dans l’espace public. Ils cherchaient à savoir “pourquoi le savoir produit dans les universités servait à la guerre ou aux technologies de surveillance. Ces actions étaient pour eux une manière de se révolter”, ajoute Samira Ouardi.

OWNI vous propose un panorama rétrospectif des œuvres les plus marquantes. N’hésitez pas à nous mentionner des installations ou des oeuvres qui ont attiré votre attention /-)

Luz Interruptus : les politiques sous surveillance

Le dernier coup du collectif madrilène Luz Interruptus dont vous nous avions parlé début septembre, met les politiques sous surveillance vidéo via leurs affiches de la dernière campagne électorale, massivement remportée par le Partido Popular (droite) et son leader Mariano Rajoy.

Marco Zotes : CCTV Creative Control

L’architecte Marco Zotes utilise l’historique château d’eau de Milton street à Brooklyn, New-York pour son projet CCTV Creative Control. [2011].

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Banksy

Dernier pochoir de Banksy (déc 2011)

L'arbre à caméras de surveillance au Cans festival - Banksy - 2008

Key to the City

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Panopticon : les pigeons caméra

Deux artistes hollandais d’Utrecht traitent la vidéosurveillance comme la peste des villes et donnent aux caméras des corps de pigeon.

Affiche de propagande Panopticons

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Obey

Madrid : hacker le circuit de vidéosurveillance

En 2009, la municipalité de Madrid installe 48 caméras dans le quartier populaire de Lavapiès à Madrid. Parmi les actions du collectif bario feliz, le hack du système de vidéosurveillance via le WiFi. Il s’agissait selon le schéma de détourner le signal de transmission des images vidéos vers un autre canal.

Les habitants du quartier de Lavapies à Madrid hackent le système de surveillance via le WiFi - 2009

Collages et pochoirs dans le quartier de Lavapies, Madrid - 2009

Mexico : géolocaliser les caméras avec son mobile

Un collectif anonyme a créé une application mobile open source qui permet à chaque personne de géolocaliser les caméras sur une carte Open Street Map dès qu’elle en repère une.

Capture d'écran du site mexicain AMCV


Sources : http://bitly.com/w0Ts28

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L’art de Paul et Mickey http://owni.fr/2011/11/22/disney-detourne/ http://owni.fr/2011/11/22/disney-detourne/#comments Tue, 22 Nov 2011 18:19:10 +0000 Ophelia Noor http://owni.fr/?p=87851

"Pendant que l'art fait diversion l'argent agit" par Christopher Dombres

Mickey dégoulinant à Los Angeles, par Lord Jim

Mickey is dead. Photo par Krancien

Mickey squelette en Norvège, photo par Ti.mo

Mickey en masque à gas à Dublin par Locace

Mickey pendu à Caen

Disney Zombies, graffiti à Tel Aviv, par Or Hiltch

I have a dream par Thomas Legrand ©

Un jour.... je serai caissière !! par Christopher Dombres

"Les bras m'en tombent" Photo par Picsishouldshare ©

Dumbo détourné par l’artiste mexicain José Rodolfo Loaiza Ontiveros, repéré par Golem13

Marilyn Manson avec les oreilles de Mickey par Ben Heine ©

Mickey Rat, par Nuchi Corp

Marilyn Mickey par Ron English ©

Couverture d'Owni par Loguy

Pour terminer, cette photo et cette vidéo de Catherine Hyland, repérées par Geoffrey Dorne, sur le projet abandonné du plus grand parc d’attraction en Chine :


Cliquer ici pour voir la vidéo.


Photos et illustrations via Flickr : Paternité Certains droits réservés par Môsieur J. [version 5.9a] ; PaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification Certains droits réservés par Nuchi Corp ; Copyright Tous droits réservés par Thomas Hawk ; Copyright Tous droits réservés par Martin Legrand ; Copyright Tous droits réservés par Ben Heine ; PaternitéPartage selon les Conditions Initiales Certains droits réservés par picsishouldshare ; PaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification Certains droits réservés par La Tête Krançien ; PaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification Certains droits réservés par Locace ; Paternité Certains droits réservés par CHRISTOPHER DOMBRES ; Paternité Certains droits réservés par Lord Jim ; PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales Certains droits réservés par Ti.mo

Article “Il peint une vision trash du monde de Disney” sur Golem13

Article “Le grand parc d’attraction de chine…” sur Graphism.fr 

Illustrations par Loguy et remixes par Ophelia pour Owni /-)

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La Force du cliché obscur http://owni.fr/2011/11/05/star-wars-photo-guerre-etoiles-lucas/ http://owni.fr/2011/11/05/star-wars-photo-guerre-etoiles-lucas/#comments Sat, 05 Nov 2011 10:37:24 +0000 Ophelia Noor http://owni.fr/?p=85393

Gardes impériaux - Dark Lens - © Cédric Delsaux

Trente ans après la sortie de la trilogie  de la Guerre des étoiles de Georges Lucas, ses personnages semblent avoir trouvé leur place dans notre monde vu à travers le regard de Cédric Delsaux. L’inquiétante étrangeté de Dark Lens, série pessimiste, empreinte de mélancolie et de solitude, interroge notre univers quotidien et propose un autre regard, en marge, entre réel et fiction. Cédric Delsaux a commencé la série Dark Lens en 2004 en banlieue parisienne, puis aux alentours de Lille, avec un détour par l’Ukraine, l’Islande et les mégalopoles Sao Paulo et Dubaï.

Quel a été le point de départ de l’idée de la série Dark Lens ?

Ce qui m’amène à faire de la photo ce n’est pas Star Wars, mais un travail sur les lieux. Ils peuvent paraître banal et ternes mais me paraissent souvent fous et délirants. C’est donc le réel qui m’apparaissait fantastique et je l’ai pris au pied de la lettre en y incluant des personnages fantastiques. Cette photo de l’autoroute A4 au nord de Paris a d’abord existé sans les personnages.

Dark Lens ©Cedric Delsaux

Il y avait quelque chose de dingue pour moi, on aurait dit une soucoupe. J’avais l’impression que ça parlait d’un monde situé à des années lumières et qu’il manquait un petit quelque chose pour décoller et aller plus loin. Il fallait ce petit élément en plus, ces figurines de la Guerre des étoiles.

Dans quel ordre procédez-vous ? Avez-vous déjà la scène en tête avec les personnages ou est-ce le paysage qui s’impose en premier ?

J’ai d’abord l’intuition du lieu et quand j’arrive, je me dis souvent, “c’est là”. Ou alors au contraire, je passe tout de suite mon chemin. Dans un lieu, je peux faire plusieurs photos, car il me parle, et c’est plus intéressant pour moi si je ne l’ai pas pensé avant, sinon, je me sens presque dans une redite.Une fois que j’ai le lieu, j’ai en tête le personnage que je veux incruster. J’ai donc des fonds à remplir, il faut trouver des personnages et suffisamment de qualité technique pour que l’incrustation puisse fonctionner sans que ça ait l’air d’une mauvaise blague. Car l’idée, surtout, c’était de ne pas se moquer de la série, même si certains montages sont drôles. Comme je ne suis pas collectionneur de base, j’ai emprunté de figurines à une boutique parisienne qui m’a bien aidé.

Bobba Fett [Dark Lens - ©Cédric Delsaux]

Bobba Fett - Dark Lens ©Cédric Delsaux

Au début j’ai voulu faire les photos dans la rue mais c’était trop compliqué : je me suis même fait arrêter une fois dans un centre commercial [ndlr : pour la photo de Bobba Fett], le gars de la sécurité m’a pris pour un geek attardé. En studio, c’est beaucoup plus simple pour avoir une belle lumière puis détourer le personnage et l’intégrer. C’est un peu comme la série Nous resterons sur terre, l’idée était de modifier le moins possible le lieu. Plus il est véritable, plus il est intéressant et même avec ses imperfections. Les tempêtes de sable sont véritables, je fais seulement des petites retouches sur la chromie.

Justement on constate des similitudes avec votre série Nous resterons sur Terre, une sensation d’enfermement, de mélancolie, dans des espaces vides et avec ce même mouvement de construction et de déconstruction.

Cette série a été intercalée entre deux prises de vue pour Dark Lens donc on retrouve cette même trame. Dark Lens est étalée sur cinq ans, mais dans les faits, je travaille dix jours sur place et après j’ai une période d’incrustation qui peut être assez longue en studio. Nous resterons sur Terre, c’est différent, il faut aller à chaque fois sur place, avec un matériel lourd, cela représente deux ans de travail. Dans cette série nous n’avons pas de personnages, les hommes ont disparu. Parfois je ne suis pas loin des centre-villes mais pour moi c’est le même mouvement, la construction amène la déconstruction.

série "Nous resterons sur Terre" - © Cédric Delsaux

La même énergie effrénée que l’on met dans la construction, on la mettra des années plus tard dans la destruction. Et dans un cas comme dans l’autre, ce sont toujours des sites en devenir. Et c’est ce que j’aime car ils font appel à notre propre imagination. C’est à nous d’imaginer ce qu’ils deviendront.

C’est un lien que l’on retrouve dans la trilogie Star Wars, où les sites sont en perpétuelle construction comme l’Étoile de la mort, ou en destruction.

C’est très juste, je n’avais pas fait le lien. Je pense que c’est cela aussi qui me rapproche de la trilogie et qui fait qu’elle pouvait s’inclure dans mon travail. Il existe cette même fascination pour la construction et la destruction. Si nous avions eu un banal vaisseau tout blanc chromé, on aurait dit c’est ridicule, ce n’est pas possible. Mais ça marche parce que Lucas inclus également une esthétique de la ruine, de la pourriture, de l’usure, de l’entropie même au fin fond de la science-fiction. Et c’est cela qui rend leur incrustation dans notre monde possible et crédible.

Vous avez un rapport particulier à une des trilogies ou un des épisodes ?

J’ai 37 ans, je viens donc de la première série. J’ai d’abord vu Le retour du Jedi en 1983, j’avais 9 ans. Ce n’est pas mon préféré mais il a particulièrement compté. C’est un peu comme la mort de Kennedy, chacun s’en souvient, je me rappelle du cinéma, du moment, alors que c’est sans doute le seul film que j’ai vu à cet âge. Visuellement, ça m’avait fasciné. Il y avait une ouverture, ce qui plaît tant aux enfants, de se dire qu’on peut tout inventer, que tout est possible.

Le crash - Dubaï - © Cédric Delsaux

C’est ce qui est exceptionnel chez George Lucas, c’est la reconstitution d’une cosmogonie complète, 150 000 planètes, autant de vaisseaux, de personnages et de cultures. Ça n’avait jamais été fait à mon sens au cinéma. Donc visuellement, je voulais rendre ça possible, le lien est évident. Cependant, le cinéma qui me touche et m’influence est celui de Terence Malick ou de Gus Van Sant. Dans Star Wars, ce sont les moments où il ne se passe rien qui me plaisent le plus, ces moments suspendus, sans dialogues, avec des paysages sans fin.

La série laisse une impression de mélancolie et d’enfermement. Comment faites-vous le repérage des lieux et comment procédez-vous au niveau de la mise en scène et du cadrage ?

Au début je fais cela tout seul, je rêve, je fantasme ce réel en y superposant des couches cinématographiques. Au fond, c’est le message que je tente de faire passer : nous n’évoluons pas dans le réel, mais dans l’idée qu’on s’en fait, dans le fantasme qu’on y plaque. C’est inconscient, on l’a l’impression que c’est objectif, mais la perception est éminemment subjective. Les formats sont d’origine et les cadres sont construits à peu près de la même façon. C’est très travaillé, je l’assume, un peu comme un peintre qui pose son chevalet et présente un espace qui parait statique, comme si rien ne venait de l’extérieur.

Dark Lens - © Cédric Delsaux

Je viens de la chambre grand format, j’aurais donc pu photographier la série de cette façon, mais c’est lourd et cher, je suis passé au numérique. J’ai gardé un pied très lourd, je ne fais pas de photos à main levée, d’où cette impression de cadre pointilleux. J’ai un peu recadré pour le livre, pour une raison simple, indépendante de ma volonté. J’ai commencé cette série avec un capteur numérique différent – un Canon 24×36 – et ensuite un appareil moyen format avec un dos numérique et qui a une autre homothétie.

Dark Lens - © Cédric Delsaux

Je cherche une image qui soit la plus limpide possible, évidente, presque un non cadrage. A partir d’un réel un peu chaotique et compliqué, je taille, je recadre, pour le simplifier, le rendre lisible, même si ça ne veut pas dire intelligible. Chaque photo doit être une forme de mystère mais énoncé de la façon la plus limpide possible. J’aime ce rapport entre ces deux éléments qui se font face, ces personnages de la science-fiction et le réel.

Techniquement, comment procédez-vous pour les incrustations de personnages ?

La vraie difficulté, c’est d’avoir un lieu suffisamment vide et d’où émane une certaine poésie dans lequel je sais qu’avec un personnage suffisamment fort la transfiguration aura lieu. Toutes les images ne sont pas bâties de la même manière. Certaines sont sur un simple mode de constatation : un personnage contre un lieu [ndlr : la photo avec Boba Fett]. Et plus j’avançais dans mon travail, plus je trouvais intéressant de prendre des lieux qui pourraient faire partie de la science-fiction, où les personnages se fondraient totalement. Dans d’autres photos, on s’éloigne un peu plus, il faut presque aller chercher les personnages dans l’image.

Un des personnage, le battle droid est fait en 3D par Pierrick Guenneugues. Je voulais l’utiliser mais ce n’est pas un personnage phare dans la série donc il n’a jamais eu de belle figurine. La maquette 3D permet de lui donner tous les mouvements possibles et de l’humaniser un peu. Ensuite j’ai seulement deux personnages en réel, des gens avec des costumes pour lesquels la figurine ne pouvait pas rendre la texture des habits.

Dans une autre de vos séries, 1784, on a l’impression que les personnages sont déconnectés du paysage, comme hors du temps, et pourtant on est frappé par la cohérence de la mise en scène, du sens qui se dégage de ces tableaux. Pourquoi le choix de cette année-là, 1784 ?

Cette année ne renvoie à rien dans la période de l’Ancien Régime. J’avais d’abord envie de photographier une aristocratie, au bord de la décadence, prête à exploser, comme il y en a à différents moments de l’histoire. L’idée était de parler de notre époque contemporaine, avec des costumes d’un autre temps. D’ailleurs, n’est-ce pas nous qui singeons une autre époque ? C’est un fantasme de 1784, qui renvoie aussi à 1984, où Orwell fantasmait un futur terrible. Est-ce qu’on ne fantasme pas aussi le passé ? Est-ce qu’on ne voit pas plutôt des images des téléfilms, des séries qui nous font imaginer un passé qu’on ne touche pas, et qui est donc faux ?

série 1784 - © Cédric Delsaux

Là encore on peut raccrocher avec Star Wars qui se passe dans un “faux futur”, la trilogie a en fait lieu dans un passé indéterminé et dans un lieu lointain. On se rend compte à quel point les deux mondes, la fiction et le réel, se rapprochent dans Dark Lens.

Exact, cela s’est passé il y a bien longtemps dans une galaxie très lointaine. C’est de la science-fiction passée. On est à la fois dans une temporalité et un espace flottant. On pourrait être à Dubaï ou Paris, ce n’est pas important. C’est la même chose pour la série, Nous resterons sur terre, où j’ai constitué une sorte de labyrinthe. On pourrait même se demander si Dubaï n’essaye pas de ressembler aux villes du futur qu’on a vu dans les films, avec le réel qui court après la science-fiction. On perçoit le réel à travers la fiction.

R2D2 et C3PO - Lille - Dark Lens - © Cédric Delsaux

Dark Lens interroge également notre environnement urbain qui paraît sans limite quand on pense à une ville comme Dubaï, sur les abus de pouvoir et le côté absurde ou décalé de notre monde, qui est aussi rendu par la présence de ces personnages fantastiques.

Les robots sont une technologie qu’on nous a survendu en nous disant qu’elle allait simplifier nos vies, pour finalement n’aboutir à rien. Il y a un côté post-moderne, où on se situe au-delà du rêve de la modernité qui apporterait du confort, où on n’aurait plus qu’à se contenter de vivre alors que ce n’est pas du tout le cas. C’est presque la vision d’une dictature technologique qui s’assèche sur place et qui créé un monde terrifiant. Je ne sais pas si Georges Lucas l’a voulu tel quel, mais la trilogie de la Guerre des étoiles pose aussi cette question. Comment une démocratie devient une dictature avec toutes ses armées robotisées au service du bien et de l’ordre, qui basculent en deux clics.

Le Faucon Millénium - Dark Lens - © Cédric Delsaux

C’est plutôt bien fait dans le troisième volet [ndlr: Le retour du Jedi] qui montre à quel point notre démocratie est bien plus fragile qu’on ne le croit, et que justement notre technologie n’est pas forcément un paravent à l’obscurantisme. C’est en tout cas ce que j’y vois. C’est ce que j’aime dans la photo, où le sens n’est pas monopolisé par l’auteur. On peut s’arrêter à la vision littérale, un chantier à Dubaï avec des petits bonhommes fantastiques ça et là, mais j’espère qu’on y ressent ce souffle et cette inquiétude. C’est cela qui m’anime.


Photographies de Cédric Delsaux, tous droits réservés.

Livre DARK LENS  de Cédric Delsaux, publié aux éditions Xavier Barral

Exposition au MK2 Bibliothèque à partir du 24 novembre.

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