OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Legos et des couleurs http://owni.fr/2010/06/22/legos-afol-de-7-a-77-ans/ http://owni.fr/2010/06/22/legos-afol-de-7-a-77-ans/#comments Tue, 22 Jun 2010 08:51:39 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=16875

Quinze ans que je n’y avais pas touché. Peur du regard des autres, le jugement de la famille, des amis, franchement à ton âge, ma chérie, à quoi ça te sert de faire des études pour retomber si bas… Tu es déprimée ? Et puis je suis arrivée chez OWNI, ils se sont ligués pour me faire retomber, en me tentant à coup de liens affriolants. Alors j’ai craqué, je suis allée me fournir. OSEF les rires moqueurs, je ne suis pas seule : les AFOL (Adult Fans Of LEGO) sont parmi vous, pour le plus grand bénéfice de LEGO. Au bord de la faillite dans les années 90, pas très fraiche au début des années 2000, la marque a su se reconstruire, entre autres en s’adressant au public des adultes, et en gérant cette communauté de façon particulièrement intelligente. Le modèle danois a encore frappé…

Petit come-back. LEGO à la base, c’est le jouet familial par excellence, celui qu’on offre à son petit neveu. Contrairement à Tintin, passé l’âge de 12 ans, c’était franchement craignos d’y jouer, genre “faudrait passer au stade suivant, tu as du poil aux pattes maintenant.” Il y a bien la gamme LEGO TECHNIC qui est lancée en 1977, mais son cœur de cible, ce sont les (pré)ados.

Quand AFOL content, lui toujours faire ainsi. En l'occurrence, deux adeptes de Mindstorm.

Le premier vrai contact avec les adultes a lieu en 1999. La marque s’aperçoit que des personnes ont hackés Mindstorm, une gamme créée l’année précédente, permettant de construire et de programmer des robots, ce qui plait bien aux geeks. Nos hackers ont écrit à ce sujet et la compagnie, au lieu de piailler au piratage, entre en contact avec eux et entame le dialogue. La même année, tiens, tiens la fonction de responsable du community engagement est créée. La fin des années, 90, c’est aussi le début de l’essor du web grand public, les AFOL éparpillés, isolés, se mettent alors à communiquer entre eux. Et tout le reste n’est que dévolution bien encadrée.

Avant de caresser LEGO dans le sens du poil, entendons-nous sur ce que le terme “marque” signifie. Le copyright n’est pas une notion qui lui est inconnue, ce ne sont pas non plus des Bisounours, loin de là, elle a déjà intenté des procès pour le protéger. Là où LEGO se montre futé, c’est en laissant une grande liberté à sa communauté dans l’usage qui est fait de ses produits et en l’associant à son développement. Une vision au fond parfaitement pragmatique : “Nous n’avons pas eu de stratégie pour attirer les adultes, mais plutôt pour tisser du lien, explique Tormod Askildsen, en charge du community engagement et de la communication. On s’accompagne, on organise des évènements, on prends du feed-back. Nous ne pouvons pas contrôler nos fans, ils créent ce qu’ils veulent créer. La marque vit dans l’esprit des consommateurs. Si elle ne vit pas là, elle n’est nulle part. C’est un écosystème réunissant le groupe et les consommateurs.”

Et tant pis si ça donne parfois des films pornos. Plus clean, Bricks in motion, The Brick Testament, Balakov… contribuent gracieusement à faire la publicité de la marque. Sans pour autant les soutenir officiellement, comme nous l’expliquait Brendan Powell Smith : sa Bible en LEGO contient un peu de sexe et de la violence, toutes notions que la marque ne peut, image oblige, cautionner officiellement, mais elle ne va pas non plus lui chercher des poux.

Quarante ambassadeurs dans vingt-deux pays

Concrètement, un système d’ambassadeurs a aussi été mis en place. Au nombre de quarante, répartis dans vingt-deux pays, ces bénévoles élus -admirons au passage ce subtil moyen d’optimiser ses RH-, servent d’interface entre la base et l’entreprise. “Nous nous réunissons avec eux en juin, pour discuter, échanger, voire leur présenter des projets top secrets. Nous leur partageons des informations confidentielles ou nous les intégrons au process de développement”, détaille Tormod Askildsen. Une charge chronophage, ce qui explique que la France n’est pas d’ambassadeur actuellement : trop de travail, il a démissionné !

Ceci est un homme en LEGO tenant un stylo. Oeuvre de Nathan Sawaya.

Autres ambassadeurs de choix, des artistes. Pour le coup, certains sont associés officiellement à la marque, par exemple Nathan Sawaya. “The Brick ArtistTM, comme il se présente, fait des sculptures en LEGO (voir ci-contre).

En revanche, la marque n’a pas de page Facebook officielle, comme s’en explique Tormod Askildsen : “Facebook n’est qu’une plateforme. Avoir une stratégie social media, c’est utiliser les technologies pour construire des relations. Pleins de plateformes font ça. Facebook développe son propre business model et nous interrogeons sur l’opportunité de créer d’une page.” Par contre, ils utilisent une plateforme en ligne pour communiquer et des pages produits.

Les pages non-officielles ne sont pas dédaignées. Récemment, l’administrateur de la page “Pour tous ceux qui ont connu la douleur en marchant sur un LEGO!” -378 000 likes et autant de martyrs de la brique ?- leur a écrit pour qu’ils fassent des excuses officielles. Et bien ils ont répondu avec humour :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Toujours au rayon “sollicitons notre communauté”, la marque s’est engagé dans un processus de co-création à base de crowdsourcing. Ils ont par exemple lancé LEGO Click, un site communautaire innovant rassemblant designers, artistes et créatifs où ils font part de leurs idées liées au jouet. Le tout relayé par Twitter (via le hashtag #legoclick), Facebook, Flickr et YouTube. Reste tout de même à faire le tri dans toute cette production.

Recours à la co-création

Dans le même esprit, les membres de LUP’s (LEGO Universe partners, “partenaire”, avec tout ce que cela sous-entend de communication horizontale-) travaillent avec le staff pro pour construire les contenus de LEGO Universe, un MMO ( Massively Multiplayer Online game). Un comité réduit de représentants était présent au Consumer Electronics Show (CES) 2010, le grand raout de Las Vegas consacré à l’informatique et à l’électronique grand public, au cours duquel une bande-annonce a été dévoilée. Ils ont causé co-création et fait des démonstrations d’outils de construction.

En revanche, elle ne développe en revanche pas énormément de produits spécifiquement pour cette cible. Hormis la gamme Mindstorm -quoique, officiellement, c’est pour les plus de 10 ans, tendance Sheldon, le geek de The Big Band theory-, on trouve quelques produits collector coûteux mais cela reste marginal.

Si l’écosystème ainsi bâti leur dit d’aller voir du côté des personnes âgées, un bon plan vu le vieillissement du marché européen, et bien ils semblent prêts à y aller : “Nous ne passons pas d’une marque pour enfants à une marque pour adulte, nous accompagnons tout au long de la vie. Il n’y a pas de raison pour s’arrêter de jouer avec des LEGO à 12 ans. Il existe plein de choses à faire pour les ados ou même les retraités, il existe des opportunités créatives à tout âge.” Mémé, tu avais déjà la Wii, prépare-toi à jouer avec des Duplo Senior. Même si tu as de l’arthrose, tu verras tu vas t’éclater et c’est super pour lutter contre Alzheimer les jeux de construction.

À lire : social media case study : LEGO CLICK ; photo CC Flickr Toms Bauģis Tony the Misfit

Gratitude envers NKB pour son support linguistique.

Disclosure : je n’ai pas reçu la moindre brique pour l’écriture de cet article tout à la gloire du community management de LEGO.

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The Brick Testament: la Bible pour les geeks (érudits) http://owni.fr/2010/06/22/brick-testament-la-bible-pour-les-geeks-erudits/ http://owni.fr/2010/06/22/brick-testament-la-bible-pour-les-geeks-erudits/#comments Tue, 22 Jun 2010 08:51:07 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=18502 Le LEGO tu idôlatreras, sinon en Enfer tu flamberas /-)

Le LEGO tu idôlatreras, sinon en enfer tu crameras /-) L'Evangile selon Saint AFOL

Lorsqu’on lui demande s’il revendique d’appartenir à la longue tradition de l’iconographie religieuse populaire, l’auteur de The Brick Testament, une version en LEGO de la Bible, Brendan Powell Smith, non seulement répond “oui“, mais il précise, très sérieux (enfin, on suppose, disons qu’il n’y avait pas de smiley dans le mail) :

Je m’attends vraiment à ce que mes illustrations en LEGO de la Bible soient un jour regardé avec la même considération que la Chapelle Sixtine ou le David de Michel-Ange ou la Cène de Leonard de Vinci.

Rien moins que ça. Gros prétentieux ? Ce n’est pas plutôt du côté des bibles pour enfants qu’il devrait aller voir ? Et bien oui et non.

Ludique, The Brick Testament est aussi le travail d’un fin connaisseur de la Bible. Il faut dire que le petit Brendan Powell Smith, aka the reverend, a eu l’occasion de potasser la Bible : fils d’un professeur de catéchisme épiscopal (l’église épiscopale est le nom de l’église anglicane aux États-Unis, ce qui suppose déjà de ses membres une meilleure connaissance des textes sacrés par rapport aux catholiques, ndlr), il découvre alors les grandes scènes, Adam et Ève, l’Arche de Noé…

Il opte à l’âge de 13 ans pour l’athéisme, ce qui le rendit “encore plus fasciné par la religion (puisque tant de personnes en apparence si raisonnables continuait de croire !)“. À tel point qu’il étudie la religion à la faculté et lit la Bible en entier, découvrant au passages “des épisodes moins connus mais tout aussi sensationnels”.

La Cène par Leonard de Vinci.

La Cène, par Leonard de Vinci

Même épisode, version brique.

Il Commence ce qui deviendra son grand œuvre en 2001, c’est alors juste “un idée parmi une série de projets bizarres et créatifs”. Sauf que le succès arrive vite, sans utiliser le moindre réseau social, juste par le biais du bon vieux mail.

Grand public lorsqu’il reprend les “classiques”, de la naissance de Jésus à sa crucifixion en passant par la Création ou bien encore Sodome et Gomorrhe, il se fait aussi plus savant. Pierre-Olivier Dittmar, médiéviste, ingénieur d’études l’EHESS-GAHOM, l’explique :

“Là où l’auteur se montre original, c’est qu’il illustre tous les versets de manière littérale, il est donc amené à représenter de nombreux versets qui ne l’ont jamais été dans la tradition chrétienne, car pour se distinguer de la tradition juive, celle-ci se base relativement peu sur l’Ancien Testament et se concentre plus sur le Nouveau Testament. Habituellement, on reprend une petite partie de la Bible, la Genèse, le Livre des Psaumes, le Nouveau Testament avec la vie de Jésus et un peu l’Apocalypse. (cf image)

Franchement, Le Lévitique, ça passe mieux en version "anachronisme" et avec des bulles ?

C’est ainsi qu’il a inclut le Lévitique, un ensemble de prescriptions et d’interdits aussi aride qu’un traité européen, justifiant son slogan : “The world’s largest, most comprehensive illustrated Bible.” Sauf que sa version est tout sauf ennuyeuse, si bien qu’elle donne envie de tourner les pages. Il a ainsi recours à l’anachronisme pour revivifier les passages les plus rébarbatifs. Accessible, de nouveau.

En revanche, cet athée porte un regard ironique sur la Bible qui le distingue de l’iconographie religieuse comme outil de prosélytisme. Le ver était dans la pomme (d’Adam) dès l’enfance. Alors que d’autres, au même âge, gobent sans sourciller ce qu’on leur raconte, lui doute déjà : “J’étais déjà suffisamment sceptique, pour questionner certaines contradictions, et le catéchisme m’a également montré que les professeurs n’ont pas toujours des réponses satisfaisantes.”

“Humour irrévérencieux” et sexe #pouah

Pas béni-oui-oui donc, sa Bible est au contraire empreinte d’”humour irrévérencieux”, pour reprendre ses termes. “Il interprète les textes de manière très littérale, explique Pierre-Olivier, les passages avec du sexe ou de la violence, par exemple, qui sont d’habitude traités de manière allégorique. Les bulles pointent également les contradiction internes du texte, avec ironie. À propos des animaux choisis pour rentrer dans l’arche de Noé, Dieu demande à ce dernier de sélectionner “sept pairs” d’animaux purs. Dans l’image, une bulle montre la surprise de Noé qui s’interroge intérieurement ‘Que ce passe-t-il ? Je croyais qu’il avait dit une paire !’ [ce qui est vrai : Gn 6.18-19] Ce type de commentaires indique au lecteur des contradictions bien présentes au sein du texte biblique.Et au passage, on note une incursion -récurrente dans The Brick Testament- dans la bande dessinée, art populaire par excellence qui a produit des chefs d’œuvres. 

Cet humour le rapproche des détournements de l’iconographie populaire religieuse, par la publicité par exemple. On pense à La Cène vue par les créateurs de prêt-à-porter Marithé et François Girbaud.

Sur la forme, on retrouve cette double caractéristique. Le LEGO, c’est bien entendu un médium mainstream, pour ne pas dire universel. Là où the reverend se distingue de l’AFOL de base, c’est dans sa maîtrise de la mise en scène. Chaque histoire lui prend une semaine de travail tant il soigne les détails. Sa technique n’est d’ailleurs pas sans rappeler le cinéma, qui a aussi connu son lot d’adaptation de la Bible plus ou moins grand public entre Les Dix commandements, L’Évangile selon Saint Mathieu ou encore La dernière tentation du Christ. “Il a inclut des logos selon le contenu de chaque scène, N (nudité), S (sexe) V (violence) C (cursing, juron, blasphème), comme si chacune était une scène de cinéma, note Pierre-Olivier. Il a une façon de jouer sur la profondeur de champs, il y en a très peu, et beaucoup de flou dans l’image.”

À contenu ambivalent, public divers

Porn ! (L’Ancien testament, Le Roi David)

La composition et la masse de son public reflète aussi la nature ambivalente de son œuvre. Pour le côté mainstream, un chiffre : 150.00 pages vues par mois actuellement. Et ça plait aux croyants moyens qui n’a pas forcément une appétence pour l’austère texte brut : “Si j’en juge les centaines d’e-mails que je reçois, la moitié viennent de croyants qui apprécie que je rende la Bible plus amusante et engageante. The Brick Testament est devenu très populaire dans les églises de par le monde, il est souvent utilisé au catéchisme et dans d’autres représentations religieuses éducatives.”

Humour et explicits contents lui valent de vertes critiques de la part de certains croyants. C’est ainsi que le numéro d’août de Bible review l’a nommé “gagnant du pire art biblique du Web” (flatteur, non ?), le Sunday Mail, un journal anglais, a jugé que ses peintures sans fard de sexe illicite étaient “populaire parmi les pédophiles” (il en faut pas beaucoup pour les exciter, les pédophiles, s’entend). Smith a aussi été stigmatisé par Thomas Carder, qui préside ChildCare Action project (Dieu devrait vouer à l’Enfer les auteurs de sites designés 80’s), une organisation chrétienne distribuant bons et mauvais points aux divertissements qui utilisent Sa Parole. Il a été accusé de frelater la signification des versets bibliques accompagnant chaque photo, que Smith dit avoir reformulé à partir de la Bible de la Nouvelle Jérusalem. “Ce que j’ai vu était une paraphrase des écritures, manifestement avec un manque de compréhension du Verbe  ou avec le désir de le rabaisser ou pour lui faire dire ce que cela ne dit pas. Il apparait qu’il a lu les paroles sans lire la Parole.”

Lui fait remarquer, plein de bon sens : “Il n’y a pas beaucoup de sexe dans la Bible, et quand il y en a, je n’hésite pas à le montrer. Je trouve étrange que personne n’objecte que je représente les contenus violents de la Bible, et la Bible est de loin le livre le plus violent que j’ai jamais lu. Je ne comprendrai jamais qu’un parent puisse s’inquiéter plus si un enfant regarde une représentation du sexe que de violence cruelle.”

Et ouais, la Tour de Babel faut la monter !

C’est sa même prise de distance ironique avec le texte qui lui vaut aussi d’être apprécié par des athées ou des sceptiques qui apprécient qu’il pointe de la brique les absurdités du texte.

Il reçoit aussi bien sûr des mails de mordus de la brique qui lui font des remarques et des critiques sur ses compétences et ses techniques de constructeur.

Œcuménique, Brendan Powell Smith conclut : “Quelles que soient les croyances des gens, je pense que la plupart l’apprécient car cela raconte les histoires avec de façon intelligente, amusante et avec un sens de l’humour irrévérencieux.” Les bigots chagrins devront s’y faire, il n’est pas près de changer de marotte : “J’adorerais illustrer d’autres livres célèbres en LEGO, qu’ils soient religieux, comme le Ramayana ou le livre des mormons, ou des classiques comme L’Odyssée ou Hamlet. Mais je me suis engagé à finir la Bible et je suis certains que cela m’occuper pour quelques années encore au moins. J’ai déjà une centaine d’histoires qui attendent juste leur illustration.”

Photos de LEGO tirées de The Brick Testament.

D’autres projets de Brendan Powell Smith sur son site The Reverend

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