OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 L’État garde dans l’illégalité des millions d’empreintes http://owni.fr/2012/05/17/letat-garde-dans-lillegalite-des-millions-dempreintes/ http://owni.fr/2012/05/17/letat-garde-dans-lillegalite-des-millions-dempreintes/#comments Thu, 17 May 2012 18:33:53 +0000 Rodolphe Baron http://owni.fr/?p=110331

Ce mardi 15 mai, à la faveur d’une audience devant le Tribunal de grande instance de Paris, à laquelle nous avons assisté, cinq citoyens ayant porté plainte contre l’État ont contraint le ministère de l’Intérieur à reconnaître qu’il conservait près de 36 millions d’empreintes digitales en toute illégalité et sans se presser pour les détruire. À l’origine de cette procédure : l’administration a refusé de délivrer un passeport à ces personnes au prétexte qu’elles n’avaient donné que deux empreintes sur les huit doigts naguère demandés.

Un arrêt du Conseil d’État du 26 octobre 2011, avait pourtant censuré l’article 5 du décret d’avril 2008 qui permettait la collecte et la conservation de huit empreintes digitales pour toutes les demandes de passeport, alors que deux sont effectivement utilisées sur le document biométrique.

Fichez les tous !

Fichez les tous !

Ce mercredi, dans une relative discrétion, l'Assemblée nationale a adopté un texte permettant de ficher la quasi totalité ...

Prenant acte de ce revers, l’ancien gouvernement Fillon avait publié le 12 avril dernier un décret qui limite à l’empreinte des deux index les renseignements biométriques demandés. Mais, l’administration traine à tirer toutes les conséquences de ces évolutions voulues par le Conseil d’État. Le mois dernier, certaines préfectures, comme celle de la Somme qui l’écrit sur son propre site Internet, demandaient encore la collecte de huit empreintes alors qu’elles seront contraintes de détruire six d’entre elles.

C’est cette situation paradoxale, attentatoire aux principes de collecte et de conservation des données privées de la population française, que les plaignants ont voulu dénoncer lors de cette audience du 15 mai.

Ainsi, dans un courrier datant du 12 janvier 2012, que nous nous sommes procuré, la sous-préfecture de Draguignan refuse de valider la demande de passeport biométrique de l’un des plaignants au motif qu’il n’a laissé les empreintes que de deux doigts. Sans craindre le raisonnement ubuesque, pour se justifier la préfecture donne par écrit son interprétation de l’arrêt du Conseil d’État :

Par conséquent, seule la collecte des huit empreintes et leur conservation dans la base nationale centralisée ont été jugées non conforme au droit. Il est donc possible de [continuer à] collecter huit empreintes mais de ne conserver que les deux qui figurent sur le passeport. Conformément à cette décision, votre demande de passeport est rejetée.

Selon l’avocat, Christophe Lèguevaques, qui porte ce dossier, l’État traîne à se débarrasser de 36 millions d’empreintes illégales qu’il a accumulé entre mai 2008, date de la délivrance des premiers passeports, et avril 2012, voire octobre 2011 lorsque le texte a été censuré par le Conseil d’Etat. Au-delà de la fourniture d’un passeport à ses clients basé sur deux empreintes, il demandait surtout à la justice de constater l’absence de mesures tirant les conséquences de la décision prise en octobre.

Face à l’assignation en justice, la défense, semble-t-il, joue la montre. Le préfet de Paris a adressé un déclinatoire de compétence au procureur de la République du Tribunal de Grande Instance de Paris. Il considère que l’affaire n’est pas de la compétence du TGI et demande à ce qu’elle soit jugé par les tribunaux administratifs. Me Lèguevaques y décèle une tentative d’échapper aux questions de fond que pose l’affaire :

C’est un moyen [pour l’Etat NDLR] d’éviter de statuer sur le fond. S’il [le Président NDLR] se déclare compétent, il doit surseoir à statuer dans l’attention d’une décision du tribunal des conflits. Si le Tribunal des conflits considère que le juge est finalement compétent, alors le juge judiciaire pourra statuer sur le fond de notre affaire… Bref, ils bottent en touche et gagnent de 6 à 18 mois. Si le juge se déclare incompétent, nous irons devant le tribunal administratif et ce sera tout aussi long… Mais si le président se déclare compétent, ce serait la preuve que l’Etat a violé la loi.

Lors de l’audience, devant Jacques Gondran de Robert, Vice-Président du TGI, se tiennent en demi-cercle et en rang serré trois représentants de l’État, le ministère public, un agent judiciaire du trésor et le ministère de l’Intérieur. Une alliance de l’administration qui n’a pas pu éviter que le ministère de l’Intérieur se fasse “remonter les bretelles”, selon la propre expression de sa représentante.

Alors que les empreintes inutiles étaient censées finir à la corbeille illico après le coup de balai du Conseil d’Etat, un grand nombre sont toujours dans le fichier des titres électroniques sécurisés (TES) de l’administration et dans la plus parfaite illégalité. L’État français a encore en sa possession des données biométriques qu’il n’est plus habilité ni à collecter, ni à conserver.

Cela prend un certain retard” reconnaît à la barre la représentante du ministère de l’Intérieur, évoquant “la difficulté de trouver un prestataire” pour répondre à un “marché notifié en mars 2012” date à laquelle l’opération était censée être largement avancée. Mais pas de panique “l’opération est en cours”. Selon le ministère, le dispositif lisait les huit empreintes prélevées pour en conserver seulement deux en fonction de la priorité (l’index est privilégié) mais aussi de la qualité. Dès lors, pas facile de trier ce qui aura disparu d’ici à “septembre 2012” et ce qui devra être gardé. Des explications qui paraissent douteuses pour l’avocat des requérants :

Il n’y a aucune trace de cet appel d’offres [et] l’existence de ce matériel reste à prouver. Depuis octobre 2011 jusqu’au décret d’avril 2012, l’administration est dans l’illégalité de la collecte des empreintes Que deviennent ces informations ? Je ne sais pas.

Les eurodéputés ont la biométrique

Les eurodéputés ont la biométrique

Une dizaine d'eurodéputés demandent à la Commission européenne d'apporter les preuves de l'efficacité des passeports ...


Les appareils qui sélectionnent les empreintes permettraient encore d’en photographier quatre sans pour autant qu’il soit possible de déterminer combien sont conservées. C’est “toute l’ambiguïté” du problème selon l’avocat : “Depuis octobre 2011, ça m’étonnerait qu’ils aient changé tous les équipements.”

Le Tribunal se prononcera sur sa compétence le 5 juin prochain. En attendant, les plaignants ont déposé un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), pour faire date. Le Royaume-Uni avait déjà été condamné en décembre 2008 par l’instance européenne pour “atteinte au droit au respect de la vie privée“, argument également utilisé dans l’assignation avec “la liberté d’aller et venir“, dans une autre affaire impliquant à la fois les empreintes digitales et les données génétiques.

Ces derniers mois, une dizaine d’eurodéputés ont demandé à la Commission européenne d’estimer les coûts de ces nouveaux passeports biométriques dont ils pensent que l’efficacité réelle n’est pas démontrée.


Illustration par John-Morgan (CC-by)

]]>
http://owni.fr/2012/05/17/letat-garde-dans-lillegalite-des-millions-dempreintes/feed/ 0
Menaces sur l’Etat moderne http://owni.fr/2011/05/01/menaces-sur-letat-moderne/ http://owni.fr/2011/05/01/menaces-sur-letat-moderne/#comments Sun, 01 May 2011 16:00:30 +0000 Mary C Joyce http://owni.fr/?p=59795 Article initialement publié sur OWNI.eu

Sauf mention contraire, tous les liens contenus dans cet article sont en anglais.

Les révolutions au Moyen-Orient tiennent du darwinisme politique. Les États autoritaires post-coloniaux, si bien adaptés au XXe siècle, se retrouvent absolument inadaptés au XXIe siècle. La télévision par satellite a comblé le vide de l’information ôtant ainsi aux tyrans la possibilité de déterminer seuls la réalité politique, tandis qu’Internet a permis des mobilisations réelles autour de revendications partagées dont on ne prend souvent conscience qu’une fois que les gens sont véritablement dans la rue. La stabilité politique et la légitimité des gouvernements tels qu’on se les représentait jusqu’à maintenant sont dès lors chamboulés.

La chute des États post-coloniaux est moins perçue par les démocraties occidentales comme une surprise que comme une menace. Pressées par le haut par les entreprises, et par le bas par un pluralisme en développement constant, les démocraties occidentales – ces chantres du progrès – sont extrêmement mises sous pression.

C’est économique, abruti

La première origine de cette angoisse existentielle est évidemment l’économie. L’État moderne n’est plus auto-suffisant. En mars dernier, les dirigeants de l’Union Européenne ont annoncé la création d’un filet de sécurité permanent de 700 milliards de dollars afin de rassurer les investisseurs. L’annonce est passée quasi inaperçue en raison de la démission du Premier Ministre portugais à cause du rejet du budget d’austérité par le Parlement, présageant une nouvelle faillite en Europe après celles de l’Irlande et de la Grèce.

Il y a plusieurs causes à ces difficultés économiques. Elles sont en partie dues à la perte de compétitivité et au ralentissement de la croissance économique parce que les sociétés financières et de service restent dans les pays occidentaux alors que l’industrie se délocalise vers à l’Est et le Sud. L’essentiel du problème est qu’en réponse à leurs citoyens, les démocraties Occidentales se sont engagées à payer des services alors qu’elle ne peuvent plus se le permettre. En Europe, ce sont les pensions du secteur public, aux États-Unis les dépenses publiques pour les programmes Medicare et Medicaid.

Aux États-Unis, des entreprises comme General Electric et Google trouvent des moyens toujours plus ingénieux de ne pas payer d’impôts alors même que le coût des dispositifs pour le troisième âge augmente avec le vieillissement de la génération du Baby Boom. Ce qui signifie qu’il y a moins d’argent qui rentre, et plus qui sort des caisses de l’État. Et la débauche d’emprunt qui a permis aux États-Unis et autres de se maintenir, ne pourra pas durer éternellement.

C’est un problème existentiel pour les démocraties occidentales parce que les retraites du secteur public et autres dépenses de sécurité sociale ne sont pas clientélistes ou le résultat de lobbying privé : elles bénéficient vraiment aux citoyens. Si ces programmes prenaient fin (improbable) ou étaient réduits à son plus simple appareil (plus probable), les classes moyennes perdraient un soutien capital qui leur permet de connaitre leur niveau de vie actuel, ceci au profit de ceux qui ne sont plus en âge de travailler. Le renforcement des classes moyennes – avec ses effets positifs pour la culture, la santé publique, la stabilité politique et le bonheur humain – n’était-il pas justement l’une des grandes victoires de la démocratie occidentale ? Si les démocraties ne peuvent plus se permettre de subventionner les classes moyennes, le modèle de développement économique de la Chine basé sur l’autocratie risque bien d’apparaitre plus attrayant encore.

Et le réseau n’aidera pas

Alors que les deux structures hiérarchiques traditionnelles – les gouvernements et les entreprises – se battent pour la domination, le réseau ajoute de la complexité. Si le pouvoir au peuple peut signifier la fin de l’autocratie dans les dictatures, dans les démocraties la liberté du peuple de former des associations conduit à la formation de groupes d’intérêt divers. Nous voulons cette liberté qui permet à 37 groupes de protection de la Côte du Golfe [ndlr: du Mexique] et 520 groupes pour l’alphabétisation des enfants d’exister, ce pluralisme signifie en réalité fragmentation, puisque l’argent et l’assistance sont divisés dans des unités infiniment plus petites et forcément moins puissantes.

Dans un État avec quelques organisations hiérarchiques de lobbying comme l’AARP (pour les personnes âgées aux US) et le Sierra Club (organisation environnementale), les membres du gouvernement espèrent s’engager avec ces groupes de façon utile. Mais avec l’émergence du réseau et de l’accessibilité des outils de publication, de donation, et de mobilisation, la fragmentation ne fait que s’accélérer. La volatilisation des grandes organisations engendre plus de groupes de citoyens, plus de campagnes, plus de revendications, plus de pétitions en ligne, et toujours plus d’emails. Même un homme politique consciencieux ne dispose que d’une attention et d’un temps extrêmement limités. Et compte tenu de l’intensité des demandes des citoyens, ils auront tendance à se concentrer sur les intérêts de ceux qui peuvent leur donner l’argent dont ils ont besoin pour se faire élire, renforçant ainsi involontairement les intérêts de ceux qui ont de l’argent.

Et bien sur, le pluralisme sera aussi assujetti à une étiquette de prix, chaque groupe demandant son dû pour telle subvention ou tel programme gouvernemental, mettant ainsi une pression économique supplémentaire sur l’État..

Et ensuite ?

L’État démocratique moderne fait face à une double menace : les déficits fiscaux et le surplus d’information. Il est ainsi soumis à une pression extrêmement forte, de la part des intérêts des hiérarchies traditionnelles ainsi que de la part des campagnes en lignes. Et alors que la crise à court terme est avant tout fiscale, elle concerne à long terme la gestion de l’abondance d’information et de voix citoyennes.

De nouvelles institutions seront nécessaires pour faire face aux demandes des citoyens. Mais déjà les capacités financières des États se réduisent à mesure que la capacité des citoyens de se faire entendre augmente.

Le théoricien biologiste Stuart Kaufman parle d’un “possible adjacent”, qui est déjà à un stade plus loin que le présent. Aujourd’hui il semble – du moins aux États-Unis – que les forces hiérarchiques des entreprises soient plus fortes que les gouvernements et que les groupes citoyens, fragmentés. Du coup, la résolution des problèmes existentiels des démocraties Occidentales sera dans la diminution du pouvoir et des ressources financières de l’État, qui aboutira à une augmentation du fossé entre une minorité de riches et la masse de pauvres, renvoyant ces riches nations à l’état de pays en développement. De fait, un “possible adjacent” dans lequel les peuples des démocraties Occidentales seraient en mesure d’exploiter la puissance du réseau et de parler d’une seule voix – comme l’ont fait récemment les Égyptiens – semble très improbable.

Mais même s’il semble que nous nous dirigions vers un état anémique avec des entreprises surpuissantes et une société civile fragmentée, cette voie là n’est pas non plus un avenir certain. Tout comme les états arabes post-coloniaux se sont retrouvés inadaptés face à des citoyens informés, connectés, et unis d’une seule voix, les citoyens Occidentaux peuvent aussi exiger que leurs dirigeants prennent des décisions financières pour l’intérêt général. Mais cela signifie aussi de changer le mode de vie occidental que nous ne pouvons plus nous permettre aujourd’hui. Cela implique des changements radicaux au niveau de chaque individu.

En tant que citoyens, nous pouvons maintenant élever nos voix plus efficacement que jamais, mais nous ne savons pas toujours quoi dire.


Cet article a été initialement publié sur Meta-Activism Project sous le titre : “Moderne State Under Attacks”

Crédit illustrations Michael Thompson (Freestylee)

Traduction Stanislas Jourdan & Pierre Alonso

]]>
http://owni.fr/2011/05/01/menaces-sur-letat-moderne/feed/ 17
L’Etat, actionnaire prédateur du nucléaire français http://owni.fr/2011/03/22/edf-etat-actionnaire-nucleaire-predateur/ http://owni.fr/2011/03/22/edf-etat-actionnaire-nucleaire-predateur/#comments Tue, 22 Mar 2011 16:00:26 +0000 Eric Ouzounian http://owni.fr/?p=52234 Dans la deuxième moitié des années 80, les objectifs assignés par l’État à la compagnie nationale d’électricité ont insidieusement évolué. La première étape prend la forme d’un rapport émanant de la direction de la prospective d’EDF. Il s’intitule “EDF dans vingt ans”. Ce document distribué en comité restreint aux cadres dans la seconde moitié des années 2000 analyse l’évolution probable de l’entreprise publique et initie les transformations qui vont se produire dans les deux décennies à venir.

La première manifestation concrète de la transformation de l’entreprise, la préparation de l’ouverture du capital et du changement de statut est la signature, en 2000, d’un contrat de groupe entre EDF et l’État. Le gouvernement socialiste de Lionel Jospin inaugure la transformation d’EDF en une machine à cash. Au sein de l’entreprise qui avait jusque là été dirigée par des ingénieurs, souvent issus du corps des Mines, les financiers prennent peu à peu le pouvoir.

Séparation des fonctions

La rentabilité des capitaux engagés devient la priorité et des termes anglophones comme ROCE (Return On Capital Employed) ou ROI (Return On Investment) déterminent l’orientation de l’opérateur public. C’est une révolution dans la culture d’EDF puisqu’auparavant, les critères sociaux, industriels et techniques, étaient une priorité absolue. La mission d’EDF était depuis 1946 de produire et de distribuer l’électricité au moindre coût pour les Français. En matière nucléaire, il s’agissait de prendre toutes les mesures pour assurer une sécurité absolue de ses installations.

Un exemple : jusque dans les années 2000, les ingénieurs étaient responsables des aspects techniques et de la gestion des contrats et des achats. Puis, les fonctions commencent à être séparées : d’un côté les techniciens, de l’autre les acheteurs. Ces derniers sont mis en avant afin d’obtenir un effet de levier financier et réorienter progressivement la politique d’achats. La direction des achats est de moins en moins composée par des experts du secteur nucléaire, mais par des financiers venant par exemple du secteur automobile pour imprégner l’industrie nucléaire de méthodes qui ont, paraît-il, fait leurs preuves. L’objectif unique est la réduction des coûts, le fameux “cost killing” mené par Carlos Ghosn au sein de Nissan, puis de Renault.

En 2003, Francis Mer, ministre de l’Economie et des finances du gouvernement Raffarin crée l’APE, l’Agence des participations de l’Etat. Cette structure rattachée à la direction du Trésor, puis directement au ministère en 2011, a pour mission d’aider l’État à jouer son rôle d’actionnaire au sein des entreprises dans lesquelles il détient des participations.

Dans le cas d’EDF, les représentants de l’État disposent d’une écrasante majorité et prennent rapidement l’ascendant. Les besoins financiers de l’Etat deviennent incontrôlables et tous les moyens sont bons pour accaparer les bénéfices dégagés par EDF. Le changement de statut et l’ouverture du capital ne sont effectués que dans ce dessein. Tout l’argent gagné est transféré à l’Etat, notamment sous forme de soultes.

Augmentation de la sous-traitance

En 2005, la direction financière d’EDF impose un plan d’économies appelé “Altitude 7500″, qui va s’étaler sur trois ans. Il s’agit ni plus ni moins de réaliser une économie de 7,5 milliards d’euros, en partie sur le personnel et en partie sur les achats et les besoins en fonds de roulement. Dans le secteur nucléaire, cet ensemble de mesures est décliné dans le plan “Phares et Balises”.

Cette recherche effrénée d’économies conduit à des aberrations. La direction financière s’aperçoit qu’il existe au sein du parc d’équivalent d’une centrale en pièces détachées et matériel de rechange. L’idée d’immobiliser plusieurs milliards est insupportable et des directives sont données pour réduire le stock et modifier l’organisation.

A l’heure actuelle, les agents sont alarmistes : il est devenu impossible de se procurer des pièces adéquates en cas de besoin. C’est un facteur de démotivation et de désorganisation puisque les temps d’arrêt s’allongent et qu’il faut parfois envoyer un taxi chercher dans une autre centrale la pièce manquante. Les conséquences des décisions prises sur des critères uniquement financiers s’avèrent très coûteuses sur le long terme.

Mais c’est surtout sur l’augmentation de la sous-traitance que les effets sont les plus néfastes. Quand la direction décide d’externaliser des activités en créant les contrats PGAC (Prestations Globales d’Assistance de Chantier), la plupart des opérations de maintenances, auparavant effectuées par des agents statutaires d’EDF, est confiée à des sociétés privées. EDF ne parviendra jamais à prouver qu’elle gagne de l’argent de cette manière, mais cela permet aussi d’externaliser les risques de cette activité. C’est ainsi que la totalité des travaux en arrêt de tranche, où l’on remplace le combustible, sont délégués à des tiers. Les sous-traitants étant choisis, quoiqu’en dise la direction d’EDF, en fonction des coûts, des opérations sensibles sont effectuées avec des rythmes de travail épuisants, par des salariés dont le moral et le salaire sont au plus bas, et les manquements aux règles de sécurité deviennent de plus en plus courants.

Bien sûr, il existe encore des garde-fous, comme l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) et le contrat de service public passé entre EDF et l’État, mais on éprouve des difficultés croissantes à faire la différence entre la gestion de cette entreprise très particulière et celle d’une société commerciale privée. Dans cette affaire, l’État français se comporte comme un rentier uniquement préoccupé de ses intérêts à court terme, au détriment de la sécurité de la population et d’une vision ambitieuse de sa politique énergétique.

__

Crédits photo: Flickr CC OllieD, Let Ideas Compete, Marylise Doctrinal

]]>
http://owni.fr/2011/03/22/edf-etat-actionnaire-nucleaire-predateur/feed/ 9
Wikileaks : l’État, le réseau et le territoire http://owni.fr/2010/12/13/wikileaks-l%e2%80%99etat-le-reseau-et-le-territoire/ http://owni.fr/2010/12/13/wikileaks-l%e2%80%99etat-le-reseau-et-le-territoire/#comments Mon, 13 Dec 2010 11:51:52 +0000 anthonybesson http://owni.fr/?p=39059 Infowar”, “cyber warfare”[en], “opération riposte”, “guerre de l’information”,… les titres couvrant l’affaire WikiLeaks ont largement puisé dans le vocabulaire militaire pour décrire les événements qui ont suivi la publication des câbles diplomatiques par le site de Julian Assange. La multiplication des déclarations violentes de journalistes et hommes politiques à l’encontre de WikiLeaks, l’acharnement des États a vouloir faire fermer le site en vain via les hébergeurs ou les fournisseurs de noms de domaines, et bien sûr la “riposte” des Anonymous par attaques DDoS, tout cela participe bien d’un climat de “guerre”. Mais quelle guerre ? Et surtout, pourquoi parle-t-on de “guerre” ?

J’aimerais proposer ici l’idée que l’affaire WikiLeaks relève bel et bien d’un conflit qui serait de nature territoriale entre d’un côté l’État qui s’appuie sur un territoire physique délimité par des frontières au sein desquelles est déployée une domination via la mise en scène d’une violence symbolique légitime et de l’autre le réseau en tant que territoire “virtuel” étranger sur lequel l’État n’aurait pas prise : tant physiquement que symboliquement. Si ces deux territoires se sont longtemps ignorés, ces dernières années ont vu apparaître une préoccupation grandissante de l’État face à ce “voisin” menaçant ! Pourquoi menaçant ? Parce que le réseau suit une politique expansionniste des plus agressives : 5 millions de terabytes, et une croissance qui doublerait sa taille tous les 5 ans. Si l’Internet est un territoire, il se nourrit et s’agrandit de par les informations que nous mettons en ligne. Car pour le réseau, l’information est le territoire. Dans ce sens, la mise sur le réseau des câbles ne relève pas que du simple journalisme, mais met en lumière l’agrandissement du territoire du réseau aux dépens, cette fois-ci non plus de données privées (données sous copyright ou données personnelles), mais de données appartenant à l’État. La mise en ligne des câbles, c’est l’annexion par le réseau d’une partie du territoire de l’État !

L’Internet, un territoire étranger

L’idée que l’Internet soit virtuel, au sens naïf de “coupé du réel”, est en passe d’être abandonnée, et les tensions, conflits, relatifs à l’Internet, sont manifestes, qu’ils touchent à des formes concrètes du territoire (câbles, juridictions nationales) ou à des formes moins repérables (réseaux sociaux en construction…)
Eric Guichard, 2007[pdf]

Si le réseau des réseaux n’est plus considéré comme un territoire virtuel par ses usagers qui prolongent sur les réseaux sociaux leur vie sociale IRL, ce territoire est longtemps passé inaperçu aux yeux de l’État qui ne voyait dans l’Internet qu’un espace immatériel, donc par nature sans aucun danger pour la réalité matérielle sur laquelle l’État exerce son contrôle.

Cela dit, la menace terroriste ou les questions de droits d’auteur que soulèvent les usages de l’Internet attirent l’attention de l’État sur le réseau. En même temps que le réseau devient “espace public” apparaît pour l’État l’impérieuse nécessité d’étendre son contrôle sur les citoyens online et de garantir le prolongement de sa domination symbolique sur ce qui apparaît de plus en plus comme un territoire. Mais comment ? La vérité est que l’État n’y parvient pas. Les lois qui sont mises en place : ACTA, LOPPSI, HADOPI si elles proposent des moyens de coercition, sont des moyens qui interviennent en dehors du réseau, et ce de manière très limitée : les individus agissant de manière illégale sont arrêtés si et seulement si le lien est fait entre l’internaute et l’individu, et si bien entendu l’individu en question réside physiquement sur le territoire de l’État en question.

De même, si les sanctions évoluent (des sanctions traditionnelles de type amende ou enfermement, on est passé à une sanction d’un nouveau genre avec la loi Hadopi qui prévoit l’interdiction de l’accès au réseau), elle s’arrêtent toujours à la porte du réseau. Il ne s’agit plus d’enfermer l’individu dans un espace qui le coupe de la société, mais de l’enfermer dans le territoire du réel, de lui interdire de sortir du territoire national pour se réfugier dans le territoire “virtuel”. La coupure du réseau n’est pas vécue comme une punition, mais comme une atteinte, une privation de liberté.

Ainsi, ces sanctions interviennent IRL : suppression de l’accès par les FAI, suppression de l’hébergement… l’État n’intervient pas à l’intérieur du réseau, mais sur les accès physiques au réseau, révélant ainsi cruellement son absence totale de moyens de coercition sur le territoire du réseau.

Le seul organisme mondial ayant un tant soit peu de pouvoir sur le réseau est l’ICANN, l’institution en charges des TLD (Top-Level-domains), c’est-à-dire les .fr, .com, .org… Cet organisme (sous la coupe du département du commerce américain) chapeaute les entreprises privées qui gèrent ces TLD et a ainsi le pouvoir, en faisant pression sur un fournisseur de TLD, en l’occurrence pour WikiLeaks la Public Internet Registry [en], de faire supprimer des index (DNS) le nom de domaine Wikileaks.org ! Ce “pouvoir” reste cela dit limité, car l’adresse d’un site Internet reste équivalent à une adresse IP, l’index (le DNS) se contentant de faire l’équivalence entre l’adresse IP et le nom de domaine pour notre simple confort (il est plus facile de retenir un mot qu’une suite de chiffres).

Même le gigantesque firewall chinois n’est qu’une chimère. Comme le dit Bill Gates :

Les efforts chinois pour censurer Internet ont été très limités. Il est facile de les contourner.

On voit donc bien que l’Internet représente pour l’État une entité sur laquelle il n’a pas le contrôle. Si l’Internet est un territoire, il est un territoire étranger, un territoire où les États ne peuvent exercer leur pouvoir, un territoire où les moyens de coercition légitimes sont impuissants. L’Internet apparaît comme un espace où la démonstration de la violence symbolique et physique des États ne peut être mise en scène – l’action de l’État se limitant à l’extérieur du réseau. Ce qui fait d’ailleurs  dire à Jean-Christophe Féraud que la fronde de WikiLeaks, face à laquelle l’État semble impuissant, révèle l’Internet comme une zone autonome temporaire.

Ce qui est inscrit sur le réseau devient le réseau

La “fuite” des câbles n’en est également pas vraiment une. Elle n’est pas non plus un vol. Elle met en avant au contraire la douloureuse remise en question du concept de propriété que les majors, les producteurs de jeux vidéo ou de cinéma ont découvert à leur dépens : ce qui est transformé en bits, en devenant immatériel, ne nous appartient plus ; ce qui est inscrit dans le réseau devient le réseau et donc appartient au réseau. C’est pourquoi beaucoup considèrent aujourd’hui naturel d’avoir accès à ces fameux câbles comme toute une génération trouve naturel de télécharger de la musique en ligne ou de regarder la dernière série à la mode en streaming sur Internet. On parle même de WikiLeaks comme d’un nouveau Napster !

La particularité d’Internet est donc qu’il se nourrit de ce que l’on y met. Il se construit sur les informations qui sont mises en ligne, il est un territoire qui s’agrandit chaque fois qu’une nouvelle page Internet s’ouvre, qu’une adresse URL est créée, que nous tweetons, ou likons… L’Internet est donc un territoire et les internautes sont ses soldats luttant pour l’agrandissement, la conquête de nouveaux espaces, de nouvelles données. Ainsi, l’information devient sur l’Internet un enjeu “territorial” et l’agrandissement exponentiel du réseau une campagne expansionniste qui se nourrit de data.

Jusque-là, le réseau se nourrissait essentiellement de données privées (dans le sens de “qui appartient à quelqu’un” et “qui ne dépend pas de l’État”) : fichiers de musique, films en streaming, données personnelles sur Facebook… Mais pour la première fois, le réseau absorbe des données qui appartiennent – non pas à un individu lambda, ou à une entreprise, mais à des États.

L’action de WikiLeaks, parce qu’elle se déroule sur l’Internet, n’est donc pas qu’une révélation médiatique, une fuite d’informations : elle devient une appropriation, une captation de territoire qui passe par une dépossession de l’État. L’affaire WikiLeaks apparaît comme une nouvelle atteinte à l’objet État en défiant sa domination symbolique. Si l’internaute n’est atteignable par l’État qu’en dehors du réseau, de la même façon, l’État ne peut atteindre WikiLeaks que via ses créateurs physiques, en l’occurrence Julian Assange. Mais en aucun cas l’État ne peut atteindre les données qui font le « territoire WikiLeaks » – alors qu’au contraire, le réseau de son côté continue inlassablement et sans crainte de représailles, d’étendre son territoire par l’acquisition de nouvelles données.

Le réseau pose un double problème territorial à l’État : elle met en avant les limites de l’État qui ne peut agir en dehors de ses frontières nationales alors que le réseau lui est mondial. Mais l’affaire WikiLeaks révèle également que le réseau est bel et bien un territoire d’une nouvelle nature au sein duquel l’État n’a pas de moyens de coercition et où par conséquent, son monopole de la violence symbolique légitime s’évanouit laissant l’internaute libre de toute domination – ou tout du moins libre de la domination de l’État.

Article initialement publié sur Mais où est-ce qu’on est ?

Illustrations CC: Norman B. Leventhal Map Center at the BPL, Anthony Besson, Stéfan Le Dû

]]>
http://owni.fr/2010/12/13/wikileaks-l%e2%80%99etat-le-reseau-et-le-territoire/feed/ 3
La (très) bonne paye des dirigeants http://owni.fr/2010/07/19/la-tres-bonne-paye-des-dirigeants/ http://owni.fr/2010/07/19/la-tres-bonne-paye-des-dirigeants/#comments Mon, 19 Jul 2010 16:48:18 +0000 Nicolas Kayser-Bril http://owni.fr/?p=22393

Design Elsa Secco.

La Cour des Comptes a publié son rapport (pdf) sur le budget de l’Élysée le 13 juillet dernier. Après avoir révélé dans son précédent rapport que le Président avait dépensé 1,5 million d’euros en sondages, utilisé des fonds publics pour couvrir des dépenses privées et qu’il s’était abstenu de passer des appels d’offre, la Cour a été beaucoup plus clémente.

Qu’apprend-on dans cet audit ? Que le Président gagne un peu moins de 22.000 euros par mois. C’est 15 fois le salaire médian en France. Mais cela reste 30 fois moins que celui de son ami Martin Bouygues.

Le budget de l’Élysée dans son ensemble reste stable, aux alentours de 112 millions d’euros. À la différence d’autres ministères, les services du Président ont respecté quasiment à l’euro près les dotations qui leur étaient allouées dans la loi de finance initiale. Le différentiel n’est que de 0.2% en dessous des prévisions, quand les opérations extérieures du ministère de la Défense, par exemple, explosent tous les ans leur enveloppe de plus de 80%.

Sarkozy a-t-il enfin “réduit le train de vie de l’État”, comme il le prêche depuis plus de trois ans ? Après un départ en fanfare (à peine élu, il s’est augmenté de 172% et a triplé le budget de l’Élysée), il semble bien s’être calmé. Cela dit, il nous avait déjà fait le coup en 2007. Dans une interview au Point, sa directrice de cabinet assurait sans sourire que le Président payait « toutes ses dépenses personnelles de sa poche ». Deux ans plus tard, la Cour des Comptes révélait qu’il s’était servi dans la caisse à hauteur de 14.000 euros en 2008.

L’omniprésident n’est pas non plus le mieux payé au monde. Les contribuables français payent à peu près autant pour leur Président que leurs voisins Européens. Les Présidents allemands et italiens, aux pouvoirs nettement moins étendus, encaissent chaque année 210.000 euros et 226.000 euros, respectivement, contre 254.000 euros chez nous. Certains politiques européens n’hésitent pas à s’augmenter au moment où leurs administrés sont priés de se serrer la ceinture. C’est le cas d’Angela Merkel, qui vient de s’augmenter de 4.000 euros par an. A 190.000 euros par an, elle devait quand même se sentir très démunie face à notre Sarko et ses Rolex.

En Europe, les parlementaires semblent s’accorder pour offrir des salaires aux alentours de 20 000 euros par mois au haut de la pyramide de la fonction publique. Il faut dire que quand on rabote cette niche, les élus doivent chercher d’autres sources de revenus. Hamid Karzaï, le Président afghan, ne gagne que 400 euros par mois. C’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles il défend bec et ongles son frère Ahmed Wali, suspecté d’arrondir ses fins de mois en trafiquant armes et héroïne.

Le problème ne tient pas dans le montant de la rémunération du Président. Le combat à mener est celui de la transparence. En demandant cet audit de la Cour des Comptes, Nicolas Sarkozy est le Président qui donne le plus de détails sur les activités de ses services. Quand les budgets sont souvent exprimés en milliers, voire en millions, d’euros, l’Élysée publie ses comptes au centime près.

Malgré cette précision, les contribuables ne sont pas plus avancés sur ce qu’il advient de leurs impôts. Le rapport de la Cour des Comptes est considéré comme définitif, alors que le président de la Cour a été nommé par Sarkozy lui-même en février 2010 ! De la même manière, la Cour reste très opaque quand on demande des éclaircissements. Contacté vendredi par téléphone et par e-mail pour avoir des précisions quant à la ligne ‘autres dépenses’, qui augmente de 75% entre 2008 et 2009, le service com’ de la Cour reste silencieux.

Rien à voir avec le Royaume-Uni, par exemple, où les citoyens ont eu accès à l’ensemble des notes de frais de leurs députés. En France, une telle transparence serait impossible, étant donné que les élus ont droit à des enveloppes forfaitaires sur lesquelles ils n’ont pas à rendre de comptes. On peut auditer les institutions tant qu’on veut ; si les élus évoluent dans un système où l’impunité persiste, un rapport annuel ne les fera pas changer.

Image CC Flickr Great Beyond

]]>
http://owni.fr/2010/07/19/la-tres-bonne-paye-des-dirigeants/feed/ 5
L’effet pervers de l’Open Data payant http://owni.fr/2010/07/08/leffet-pervers-de-lopen-data-payant/ http://owni.fr/2010/07/08/leffet-pervers-de-lopen-data-payant/#comments Thu, 08 Jul 2010 15:24:38 +0000 Robin Berjon http://owni.fr/?p=21524 La semaine dernière je suis allé à la “conférence débat” “Les actifs immatériels publics, leviers de création de richesse et de modernisation de l’Etat” de l’APIE (Agence du Patrimoine Immatériel de l’État). J’avoue que j’étais assez excité à l’idée d’aller voir de plus près ce qui se trame en matière d’Open Data en France. Je n’en ai été que plus déçu à la fois par la totale absence du débat annoncé, et par le peu de vision claire ou prometteuse fournie.

Il est difficile de tirer les grandes lignes de ce qui a été présenté dans la première partie, étant celle qui m’intéresse ici (la seconde étant sur les marques, principalement une publicité pour l’INPI, où l’on appris que les Français étaient champions du monde du nombre d’enregistrements de marque par tête, et que c’est là un indicateur fort du bon état de notre économie). La présentation n’était pas tant un débat qu’une accumulation de personnes parlant de leur propre petit bout de sujet, et ces îlots mêmes n’étaient abordés que très superficiellement.

Le choix des participants était d’entrée de jeu étrange: que faisait l’AFP — qui est indépendante et ne produit pas de données gouvernementales — autour de cette table alors que n’y étaient pas par exemple l’INSEE ou l’IGN ? Il semblerait que leur rôle étaient principalement d’abonder dans le sens de l’APIE en disant le plus de mal possible de la gratuité sur Internet.

Que l’AFP ne désire pas fournir ses contenus gratuitement, c’est là une chose parfaitement normale, voire louable. Elle est en effet sensée obéir à des impératifs commerciaux afin de s’assurer un maximum d’indépendance. En outre, les problèmes de la presse par rapport à la gratuité sont bien connus, même si irrésolus, mais n’ont aucun rapport direct avec ceux de la gratuité des données gouvernementales.

L’obsession Google

La première chose qui se dégage cependant des positions des divers intervenants est une incroyable obsession vis à vis de Google. On croirait, à les entendre, que si ce n’était pour Google, la France ferait deux points de PIB annuel en plus, que les réunions de rédaction se feraient au champagne, et que d’un seul homme, d’une seule femme, l’économie française dans son intégralité, du textile aux visagistes et de la métallurgie aux boulangers, se réveillerait d’un pied radicalement innovant.

Je ne puis retranscrire ici le point auquel cette obsession m’a semblé manifeste — “Google” aurait été un mode de ponctuation oral de la langue française qu’il n’eût pas été cité plus souvent. Sur place, j’ai eu l’impression d’assister à un déraillement ferroviaire au ralenti. Je pensais à la campagne pour Paris de Françoise de Panafieu qui n’a parlé que de Bertrand Delanoë, ou à cette partie de la gauche qui ces dernières années ne discute de rien d’autre que de Sarkozy.

L’obsession est une stratégie de défaite. Je me fous, cher lecteur, du pays dont vient le plus gros ceci ou cela de telle ou telle industrie. Peu me chaut que certains membres de l’administration s’entichent d’une psychose inutile. Mais j’aimerais bien que là où j’habite, travaille, et entreprends on évite d’inhiber de par trop l’innovation au nom d’illusions protectionnistes. J’aimerais, surtout, pouvoir participer au renouvellement d’une confiance citoyenne en l’État — laquelle passe désormais par une réelle transparence de son fonctionnement.

L’Open Data payant: “un open bar où l’on paie ses coups à boire”

Et c’est là que le bât me blesse. Car le résultat de cette obsession sur Google est que l’APIE semble déterminée à faire payer pour les données gouvernementales. Oui, de l’Open Data payant. C’est un peu comme un open bar où l’on paie ses coups à boire. Non. C’est comme un open bar où l’on amène ses propres bières pour ensuite devoir les payer.

Quelle est la logique supputée de cette approche? Eh bien, comme Google n’est pas imposé en France sur la plupart de ses revenus, il faut lui faire payer pour accéder à nos données parce qu’ils pourraient les exploiter et gagner de l’argent avec.Si les facteurs en jeu se limitaient à ceux énoncés au paragraphe précédent, ça pourrait presque faire sens. Mais ça n’est pas le cas.

Lors de la conférence, tout le monde se targuait de ne surtout pas vouloir créer de barrière à l’entrée pour l’exploitation de ces données, en dépit de leur caractère payant. Une idée suggérée était de les rendre gratuites aux JEI (Jeunes Entreprises Innovantes) pendant deux ans, les faisant payer par la suite en fonction de leur chiffre. Ce genre de proposition a toujours l’air rassurant — ça tient en une phrase, ça semble énoncer une solution, ça cause jeunesse et innovation. Mais il suffit de détailler l’approche au-delà de l’idée en l’air pour y voir toutes les barrières. Premièrement, il faut être une entreprise. Ça élimine déjà tous les bricoleurs citoyens. Ensuite, il faut être une JEI. Ça élimine (à ma connaissance) tous les indépendants et les auto-entrepreneurs, toutes les PMEs de plus de huit ans qui pourraient vouloir s’intéresser à un nouveau domaine sans pour autant avoir beaucoup de ressources de R&D. Ça demande de passer le temps qu’il faut à obtenir le label, temps qui est une barrière en elle-même dans toute PME dont les capacités administratives sont limitées. Finalement, ça pose une barrière à des sociétés étrangères qui pourraient faire bénéficier les citoyens français de diverses innovations en matière de transparence gouvernementale.

En bref, autant que je puisse le concevoir il est impossible de faire de l’Open Data payant sans créer une entrave à la participation.

Ceci étant, si ces barrières sont effectivement un problème pour les acteurs les plus petits, elles ne sont qu’un détail pour les plus gros. Remplir divers formulaires administratifs? On a du personnel pour ça. Payer? On a des sous pour ça. Suivant ce raisonnement, une seule conclusion s’impose: non seulement toute forme de contrôle d’accès administratif aux données gouvernementale présente une barrière pour les petits entrants, mais elle ne présente aucun problème aux gros existants.

Une politique d’Open Data payant non seulement musèle l’innovation locale, mais favorise donc directement la Némésis de l’APIE: Google. Son effet est exactement l’inverse de celui escompté.

Il faut donc mettre un terme à ces absurdités. Un véritable effort Open Data français permettrait le développement de projets locaux, avantagés précisément du fait de leur localité, et se rémunèrerait tout simplement sur l’impôt prélevé sur une plus grande valeur produite. Je ne parle même pas des avantages citoyens qui découlent de ce type de projet, tant ils semblent avoir échappé à nos amis de l’APIE.

Article initialement publié sur Berjon.com

Illustration CC FlickR par jwyg

]]>
http://owni.fr/2010/07/08/leffet-pervers-de-lopen-data-payant/feed/ 28
#Hadopi: trouble à l’ordre public http://owni.fr/2010/03/28/hadopi-trouble-a-lordre-public/ http://owni.fr/2010/03/28/hadopi-trouble-a-lordre-public/#comments Sun, 28 Mar 2010 15:36:51 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=11042 2787744382_dd1f6037e2_b

Photo CC Flickr minifig

Slips Hadopi, Hadopi photocopies…, ce n’est pas demain encore que vous verrez ces noms. Renaud Veeckman poursuit ses efforts afin d’enregistrer comme marque le signe Hadopi pour un certain nombre de services qui vont de la publicité à la télécommunication en passant par la location de vêtement ou encore… l’établissement d’horoscope et les pompes funèbres. L’homme, qui monte Apiadopi, une plate-forme de téléchargement légal, fervent opposant à Hadopi (la loi), avait entamé sa démarche en mai dernier, pour “contrer le marketing politique” à l’œuvre dans le débat. Il vient de déposer un recours contre l’Institut  national de la propriété (Inpi), après le refus de ce dernier d’accéder à sa demande.

L’Inpi a motivé sa décision en avançant deux points : trouble à l’ordre public et risque de confusion dans l’esprit du public. Et on ne rigole pas s’il vous plait. Par exemple, si Renaud crée une entreprise de pompes funèbres nommée “Hadopi rest in peace”, le quidam moyen pourrait croire qu’il s’agit d’une activité émanant officiellement de la Haute autorité. Très perturbant, en effet.

Des arguments réfutés par l’avocat Emmanuel Pierrat, engagé comme son client dans la lutte contre Hadopi. Sur  l’accusation de trouble à l’ordre public, il rappelle d’abord que le signe Hadopi n’est pas le signe officiel de la Haute autorité légalement consacré mais usuel. En effet, pour qu’une appellation soit officielle, elle doit émaner d’un texte légal ou réglementaire. Manque de bol, “ni le projet de loi du 18 juin 2008 ni la loi 2009-669 ne font référence au terme Hadopi.” Et de toute manière, ajoute-t-il malicieusement, l’acronyme aurait dû être Hadopdi, pour Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur l’Internet.

L’Inpi interdit à Renaud Veeckman ce qu’il autorise à l’État

M° Pierrat note aussi que “la doctrine définit les marques contraires à l’ordre public et aux bonnes mœurs comme celles qui portent atteinte à des principes essentiels au bon fonctionnement de la société”, inciter à la consommation de drogues par exemple, ce qui n’est pas le cas dans l’affaire examinée. Il souligne aussi que “l’atteinte à l’ordre public suppose qu’un trouble soit établi de manière évidente à la capture-de28099ecran-2010-03-28-a-141502simple perception du signe en cause”, auquel cas est seul habilité à s’opposer à l’enregistrement d’un signe à titre de marque l’ordre public, qui est “absolu et opposable à tous”. Or l’État avait déposé en novembre dernier la “marque semi-figurative” Hadopi (ci-contre), sans que cela pose problème. Si la logique de l’Inpi est exacte, l’État n’aurait pas pu le faire.

Balayé aussi le risque de confusion. L’État a déposé la marque Hadopi pour des services qui n’ont rien à voir avec ses missions. Aucun problème a estimé l’Inpi. Il a en outre accolé l’intitulé exact de l’acronyme, pour éviter tout risque de confusion. L’Institut n’a apparemment pas examiné avec attention les services déposés par Renaud Veeckman : ils sont étrangers aux champs de compétence de la Haute autorité. En conclusion de quoi, “il parait peu probable que le public puisse croire à une filiation entre la Haute autorité et des services d’agences matrimoniales, de crémation ou d’agence de publicité qui porterait le nom Hadopi.” CQFD.

Pourquoi l’État a-t-il déposé la marque commerciale ?

En résumé, l’argumentaire de l’Inpi semble assez bancal. Renaud Veeckman attend donc sereinement la décision de l’Inpi, prêt à aller en appel en cas de nouveau refus. Ce qui serait une nouvelle petite pub pour Apiadopi au passage, ça ne mange pas de pain en période de lancement.

Mais surtout se demande-t-il, “pourquoi l’État a-t-il déposé la marque commerciale Hadopi ? Mystère ! Il était déjà protégé : tout sigle de l’État est déjà protégé par la loi. Vous risquez des poursuites si vous l’utilisez à des fins punies par la loi : diffamation, insulte. À moins de vouloir vendre des tee-shirts…”

]]>
http://owni.fr/2010/03/28/hadopi-trouble-a-lordre-public/feed/ 2
Big Brother State http://owni.fr/2009/07/03/big-brother-state/ http://owni.fr/2009/07/03/big-brother-state/#comments Fri, 03 Jul 2009 12:37:19 +0000 Guillaume Ledit http://owni.fr/?p=1814 Cliquer ici pour voir la vidéo.

]]>
http://owni.fr/2009/07/03/big-brother-state/feed/ 0