OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Vers une fiscalité des données http://owni.fr/2012/11/28/vers-une-fiscalite-des-donnees/ http://owni.fr/2012/11/28/vers-une-fiscalite-des-donnees/#comments Wed, 28 Nov 2012 18:48:53 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=126758

“Les données personnelles sont le nouveau pétrole de l’internet”. Et pourquoi pas aussi le levier d’une nouvelle fiscalité en France ? Selon nos informations, la mission chargée de réfléchir à une “fiscalité du numérique” et baptisée “Colin et Collin” du nom de ses deux auteurs, s’oriente vers une imposition déterminée par la politique des entreprises en matière de données personnelles. Qui dépasse donc largement le seul secteur numérique.

Coup de tonnerre pour tous ceux qui se frottaient déjà les mains à l’idée de prélever les seuls “GAFA” (Google, Amazon, Facebook et Apple), championnes de l’optimisation fiscale : le projet des deux rapporteurs impliquerait en effet toutes les firmes qui disposent d’informations sur leurs utilisateurs. Au-delà des géants du web, EDF, GDF, La Poste mais aussi les banques, les assurance ou les groupes de distribution alimentaire… bref ! toute activité suivant de près les faits et gestes de sa clientèle.

Une idée originale dans le débat plus connu sous le sobriquet réducteur mais significatif de “Taxe Google” et sur lequel nombre se sont déjà cassés les dents. Et qui ouvre autant de perspectives que d’interrogations, en matière de compétitivité comme de protection des données.

Fiscalité des données

Le principe est simple : plus l’entreprise met à disposition les données qu’elle récolte, moins elle est taxée.

Le tout, sous contrôle de l’utilisateur. Qui pourrait ainsi accéder librement et par lui-même aux nombreuses informations laissées aux services auquel il souscrit. Cartes de fidélité, comptes bancaires, relevés de consommation électriques ou de gaz : les exemples ne manquent pas. Et alimentent déjà de nombreuses réflexions. “Smart Disclosure” aux États-Unis, “MiData” outre-Manche ou “Mes Infos” en France : tous ces mouvement visent à instaurer le partage des données personnelles. La FING, qui pilote le projet par chez nous, le résume en ces termes :

Si j’ai une information sur vous, vous l’avez aussi. Et vous en faites ce que vous voulez.

Le “customer empowerment” (donner davantage de pouvoir au consommateur) a donc déjà fait son petit bonhomme de chemin, sans jamais servir néanmoins de terreau fiscal. C’est là que la mission Colin et Collin intervient.

Car son intérêt n’est pas là – même si elle pourra toujours s’appuyer, dans l’avenir, sur cet argument séduisant d’un open data citoyen et personnalisé. Son objectif est d’abord de repérer de la valeur. Et de l’imposer. C’est le deuxième volet de la démarche : l’espoir que cette ouverture des données génère de l’innovation. Que des entreprises se saisissent de l’opportunité pour créer de nouveaux services. De la même manière qu’on installe une application tierce utilisant Facebook, l’utilisateur pourrait par exemple autoriser que des boîtes exploitent le volume de leur consommation de gaz ou la composition de leur caddy après passage en grande surface. L’objectif d’une telle imposition serait donc incitatif, à l’instar des taxes liées à l’environnement.

Un terrain à creuser, pour y trouver un véritable filon. Pour beaucoup, la manne serait gigantesque : “28 milliards de dollars (22 milliards d’euros) [selon] le cabinet Gartner pour 2012, et 36 milliards pour 2013″ souligne Julie Battilana, professeure associée à la Harvard Business School, dans un article paru il y a peu dans Le Monde et qui se penchait précisément sur la “mine d’or du Big Data”. Même son de cloche du côté du cabinet McKinsey, souvent cité en la matière, qui y voit “la prochaine frontière pour l’innovation, la compétition et la productivité”.

e-TVA

Un modèle qui aurait en plus l’avantage de s’étendre : si Facebook, Twitter, Google et consorts en font d’ores et déjà leurs fonds de commerce, l’ensemble des secteurs économiques exploitent aussi d’immenses bases de données, issues de leur clientèle.

Autant dire que si elle se concrétise, la piste privilégiée par la mission fiscalité numérique frappera un grand coup. A la manière de la TVA, dont se réclamait récemment l’un de ses rapporteurs, Nicolas Colin, dans les pages de Telerama :

Dans les années 1950, face à la complexification des échelles de production, on a créé la TVA, un impôt complètement nouveau. Aujourd’hui, c’est celui qui rapporte le plus d’argent à l’Etat. Il nous faut quelque chose d’aussi structurant.

Contacté par Owni, l’énarque refuse de communiquer avant toute publication du rapport. Mais le sujet ne lui est pas étranger. Bien au contraire.

Dans L’Âge de la multitude, co-écrit avec l’entrepreneur Henri Verdier, Nicolas Colin tentait déjà de trouver “la définition d’une fiscalité propre à l’économie de la multitude”. Autrement dit de cette masse d’individus connectés dont les créations et les interactions sont présentées comme générateurs de la précieuse “la valeur” :

[...] un État est fondé à imposer les revenus issus de l’activité en ligne de la multitude qui réside sur son territoire. Il s’agit d’une sorte d’impôt sur la multitude : un impôt sur la valeur créée par les résidents sur le territoire mais captée par une entreprise privée.

Pas gagné

CQFD. En ce qui concerne l’idée. En pratique, la suggestion d’une fiscalité des données risque d’être consciencieusement bousculée si elle se confirme lors du dépôt des conclusions de la mission, en décembre prochain.

Les détails de sa mise en œuvre, en particulier, risquent de compliquer la tâche. “L’esprit de la démarche est ambitieux et pertinent mais l’application me semble très complexe”, confiait un proche du dossier à Owni. Comment mesurer l’ouverture des entreprises ? La taxe va-t-elle être calculée en fonction de cette ouverture ou en fonction du nombre d’utilisateurs du service ? Les interrogations pratiques sont légion.

L’impact, au-delà des frontières du web, risque aussi de faire des vagues. Pas sûr que les entreprises françaises apprécient d’être enrôlées dans une réflexion lancée pour tacler en priorité les Yankees du Net. Surtout qu’il s’agit ici d’ouvrir le porte-monnaie. Et que le climat actuel est plus propice à une guerre de territoires et d’influence, chaque secteur cherchant à reporter sur le voisin la charge de son financement. C’est particulièrement vrai pour la culture ou les fournisseurs d’accès à Internet (FAI), mais ça l’est aussi pour la presse, qui cherche à ponctionner une partie du trésor de Google.

Reste aussi à savoir ce qu’en pense l’une des principales concernées par le sujet, à savoir la Cnil. Car qui dit “données personnelles” dit supervision de la gardienne de la vie privée. Gardienne qui, toujours selon nos informations, n’auraient pas encore eu la possibilité d’échanger avec la mission fiscalité numérique sur des pistes qui la concernent pourtant au premier plan. Et qui nécessiteraient, si elles sont appliquées, une sérieuse révision de ses moyens. Contactée par Owni, la Cnil n’a pas donné suite à nos sollicitations.

Il y a quelques jours, la Présidente de l’institution, Isabelle Falque-Pierrotin déclarait néanmoins dans une table ronde organisée par Google : “les données, c’est le carburant de l’économie numérique”. Signe que la Cnil prend en compte le potentiel compétitif des données. Et que la porte n’est donc pas complètement fermée aux propositions de la mission Colin et Collin.


Illustration Pixel Fantasy [CC-byncnd]

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La “négation de la démocratie” du sénateur Marini http://owni.fr/2012/11/13/la-negation-de-la-democratie-du-senateur-marini/ http://owni.fr/2012/11/13/la-negation-de-la-democratie-du-senateur-marini/#comments Tue, 13 Nov 2012 10:17:38 +0000 Claire Berthelemy http://owni.fr/?p=125767

Ce lundi soir, Philippe Marini, président de la commission des finances du Sénat, répondait aux questions des internautes sur une bulle vidéo Google+ (ce qui est assez drôle en passant, au vu de ce que Google encaisse en ce moment) et sur YouTube. Modéré (et motivé ?) par Erwann Gaucher, Antoine Bayet, Richard Menneveux et Guillaume Champeau, le sénateur de l’Oise présentait sa “fiscalité numérique neutre et équitable”. Florilège des questions sur la concurrence, l’optimisation fiscale des géants du web et leurs bénéfices records.

Le point de départ

La position de Marini est assez claire (sur le site du Sénat en tout cas) : les profits qu’engrangent les grandes entreprises du Net grâce à la fiscalité est devenue “une véritable question de société”. Il explique :

Les médias ont popularisé le sujet et évoquent de plus en plus les montages fiscaux et les sommes soustraites par ces entreprises, du fait des insuffisances de législation.

Les insuffisances de législation taclées par Marini ne sont autres que la facilité (la dextérité ?) avec laquelle les géants du Net vont chercher de meilleurs taux d’imposition au Luxembourg et en Irlande, et jouent avec la TVA sur les biens immatériels. Stratégies infaillibles. Le cas d’Apple ayant payé 7 millions d’euros d’impôts en France alors qu’il ne déclare “que” 257 millions d’euros de chiffre d’affaires (officiellement, puisqu’officieusement, ses revenus français avoisinent 3,5 milliards), est édifiant. Google l’est tout autant et il y a fort à parier que Microsoft, sous le coup d’un contrôle fiscal – et d’une descente musclée d’officiers de police judiciaire – en juin dernier, fasse les frais d’un redressement du même ordre que celui demandé à Google.

Le point Lex Google

Lex Google pour les nuls

Lex Google pour les nuls

Si les éditeurs de presse français n'ont pas encore déclaré officiellement la guerre à Google, le manège y ressemble. ...

Philippe Marini, interrogé par Antoine Bayet, précise dès le départ : l’origine des travaux émerge de la situation des finances publiques et du souci de “voir les assiettes fiscales les plus modernes (sic) échapper à une taxation”. La poursuite de cette mission a été le jeu d’auditions des acteurs : Dublin pour Google, Londres et Rome pour rencontrer les parlementaires et Bruxelles au lendemain de la Lex Google allemande pour participer à un forum organisé par des professionnels de grands groupes de services d’information et de culture. Devenu président de la commission des finances, Marini ne chôme pas et il l’assume.

Quelle est la ligne à ne pas franchir pour un parlementaire concernant la Lex Google a été le premier point soulevé par Guillaume Champeau de Numerama : pour justifier une redevance, la Lex Google oblige à créer un droit voisin, supérieur au droit d’auteur pour protéger les oeuvres et ajouter des interdictions. Effectivement, Cédric Manara, juriste spécialiste de la propriété intellectuelle et d’Internet, expliquait sur Owni :

C’est la création d’un droit qui protège les sociétés de presse. Même si elles publient trois ou quatre lignes sur n’importe quelle actualité, elles sont de fait protégées. Non pas pour leur contenu, mais en leur qualité d’organisme de presse. C’est la création d’un droit équivalent au système de l’Ancien régime, la création d’un privilège. Pourquoi protéger un organisme de presse plutôt que d’autres contenus ? C’est un problème. Et si c’est ça la politique actuelle à l’heure du débat sur la propriété intellectuelle à l’heure du numérique, alors ce n’est pas bon signe.

La ligne rouge, expliquée par le sénateur, est surtout la possibilité de faire comme les Allemands en créant un droit à l’indemnité : “si les deux parties, éditeurs et agrégateur ou moteur de recherche, sont d’accord, c’est très bien”. Si les deux parties ne s’entendent pas, les tribunaux pourraient intervenir pour valoriser ce que “l’agrégateur devra reverser à l’éditeur ou l’auteur du contenu, le texte ne se prononce en rien sur la valorisation ou l’évaluation des droits”. Ah.

Mais “si Google réplique ?” demande Erwann Gaucher, et supprime les sites d’informations de son moteur de recherche ? “Quand on écoute Google, et il faut toujours écouter toutes les parties dans un sujet complexe, la réalité apparait elle-même quelque peu nuancée” répond Marini. Nuancée ? Oui, parce que Google dit que son moteur de recherche et Google News ne font pas apparaître d’insertion de publicité de manière directe ou systématique. Mais la réponse de Google ne tient pas compte du fait qu’elle est aussi une société dont la finalité est “la captation du marché publicitaire” précise le sénateur :

L’exploitation des supports publicitaires sur la toile est le coeur du réacteur Google, tout le monde le sait et c’est une évidence et il y a là une réalité qui peut rendre complexes les évaluations des dommages versés à des éditeurs dont les contenus seraient exploités à des fins différentes de celles pour lesquelles ils ont été conçus. La menace de représailles qui émane de Google et qui a un carcatère très antipathique est à l’opposé de l’image que voudrait donner la firme. La menace publique est assez difficile à accepter et je mesure mes mots. Cette réaction assez déplorable a été un peu comme un masque qui tombe, un masque de bonne intention.

Nous n’aurons pas la réponse du cas où Google répliquerait. Dommage.

Le point fiscalité numérique

À la Lex Google succède celui sur la fiscalité numérique, enchaînement limpide : après discussion sur la possibilité de taxer une entreprise telle que Google pour son indexation des sites de presse et les enjeux d’une telle mesure, rien de tel pour continuer que de définir les politiques fiscales. En l’occurrence Philippe Marini attend avant tout de l’exécutif (en félicitant “le pouvoir” de la mission dite Collin et Colin – du nom de leur rapporteurs – et la mission “très ambitieuse” confiée à Pierre Lescure sur l’acte II de l’exception culturelle à la française) qu’il prenne position et agisse sur trois plans distincts : national, européen “qui suppose d’exprimer une volonté et de se placer clairement dans la logique de l’axe franco-allemand” et mondial “pour faire évoluer les concepts de la fiscalité”. Le chantier est bien vaste.

Richard Menneveux a fait parvenir une question sur les pouvoirs de l’État en matière d’action pour développer une fiscalité européenne ou pour appliquer une autre fiscalité. Développer une fiscalité européenne c’est avoir un poids conséquent donc. Appliquer une autre fiscalité c’est utiliser la législation française en prenant garde de ne froisser aucun des acteurs. La diplomatie reste de mise, même quand il s’agit de milliards et pour Philippe Marini, rien ne différencie l’optimisation fiscale et la fiscalité du secteur numérique aux autres secteurs. Seulement :

Il existe des interlocuteurs très puissants avec une claire conscience de leurs intérêts et qui font de l’arbitrage de législation. On ne saurait leur reprocher, peut-être d’un point de vue moral, mais ce n’est pas leur première motivation. D’après ce que nous savons d’un journal satyrique du mercredi, l’administration fiscale française a entrepris une campagne de vérification auprès d’un certain nombre de groupes et pas seulement Google. S’agissant de Google, on évoque un enjeu supérieur au milliard d’euros en droit à redresser. Mais ayant lu l’article je crois que ces informations sont puisées auprès d’une bonne source. [...] Le fisc français est tout à fait dans son rôle lorsqu’il s’efforce de reconstruire la réalité économique au-delà des apparences juridiques et s’appuie sur la notion d’abus de droits.

La question – pour Guillaume Champeau – se pose aussi hors les optimisations fiscales et autres manipulations de trésorerie “scandaleuses” : même en s’attaquant à la fiscalité des grands groupes, “c’est pas plus facile que d’aider les petites entreprises à devenir grandes ?”

La tentation de glisser sur la Google à la française – ou à l’européenne – est bien grande, tentation sur laquelle ne glissera pas le sénateur. Il expliquera quand même que l’Europe “bat sa coulpe” parce que les problèmes économiques et le système ont fait défaut pour concurrencer le géant de la recherche en ligne. Et ce, même si certains régimes fiscaux favorisent l’innovation “comme pour les entreprises innovantes” et que le sénateur reste sceptique sur ces mesures d’une “grande complexité” :

Un écosystème permettant de faire émerger de grands acteurs est-il possible ? C’est une question qui demeure ouverte. On ne peut pas se satisfaire d’une situation où l’on dépend complètement d’un algorithme fait ailleurs ou de clés d’accès pour certains programmes qui peuvent être utilisées et où les conditions peuvent varier de façon arbitraire.

“Négation de la démocratie”

“Google est un contre-pouvoir politique”

“Google est un contre-pouvoir politique”

Le patron de Google, Eric Schmidt, était reçu par le président français avant-hier. Sur la table, un dossier législatif ...

Mais le calendrier de la législation est un calendrier lent, loin de celui du web ; et le sénateur est bien impuissant à expliquer que les discussions avec l’OCDE peuvent prendre 5 à 10 ans avant d’aboutir, quand la directive qui permettra de taxer les entreprises vendant de l’immatériel dans le pays de l’acheteur commencera à entrer en vigueur en 2015 jusqu’en 2019. “Le différentiel entre le taux de TVA français et celui du Luxembourg, c’est une hémorragie” pour la France ajoute le sénateur.

Et de préciser suite à une question Twitter que l’État perd 500 millions en ressources et un peu moins d’un milliard en TVA. Soit pour Philippe Marini, 1,3 milliard d’euros de manque à gagner. Mais le temps numérique encore une fois est un temps rapide et “ces chiffres progressent vite parce que le marché publicitaire sur le net est en forte expansion – 15% par an en ordre de grandeur – donc les enjeux sont extrêmement croissants”.

Conclusion “le sujet est extrêmement difficile [...] mais en même temps c’est un sujet qui concerne l’ensemble des internautes, donc le grand public et c’est même presque un sujet de société car des entreprises, aussi remarquables soient-elles, qui créent et imposent leurs lois sur notre territoire dans une pure logique économique et d’optimisation fiscale, c’est une négation de la démocratie”.

À l’expression négation de la démocratie, il fallait entendre que les bénéfices devraient être également répartis grâce à une régulation et une politique bien à sa place.


Illustration par psd [CC-by]

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Lescure, Pellerin et Filippetti dans un sac de noeuds http://owni.fr/2012/10/18/lescure-pellerin-et-filippetti-dans-un-sac-de-noeuds/ http://owni.fr/2012/10/18/lescure-pellerin-et-filippetti-dans-un-sac-de-noeuds/#comments Thu, 18 Oct 2012 16:00:43 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=122880 Monty Python et Plus Belle la Vie. Bug Facebook, pigeons, Lescure, guerres de chapelles, Cnil, Hadopi, CSA, Arcep, on ne sait plus qui fusionne avec qui. Mais on sait déjà qui paiera les pots cassés. On a fait une infographie pour en rigoler. Ça vaut mieux.]]>

“Le bug Facebook saisi par Fleur Pellerin qui renvoie la balle à la Cnil, elle-même concernée par des rumeurs de rapprochement avec l’Hadopi qui était déjà mentionnée dans le projet de fusion CSA-Arcep, dont le sort devrait être aussi tranché par la mission Lescure qui…” Ouf ! Reprenons notre souffle dans ce qui pourrait ressembler à une boutade, mais qui n’en est pas une. Enfin, pas complètement.

Car quiconque tente aujourd’hui de dégrossir les différents dossiers ouverts par le gouvernement dans le domaine du numérique se retrouverait, comme nous, face à un drôle de jeu de pistes. Un embrouillamini à tiroirs, où s’enchevêtrent thèmes et responsabilités, délais à géométrie variable et avis tout aussi fluctuant selon les personnalités en charge, le calendrier voire le mouvement des astres. Bref, un bon gros sacs de noeuds, pour reprendre le titre de notre infographie – sans être grossière. Reste à savoir comment on va bien pouvoir le démêler. Et sur ce point, c’est pas gagné.

Internet en fusion

Internet en fusion

En lançant une réflexion sur le "rapprochement" de l'Arcep et du CSA, le gouvernement ressuscite un serpent de mer qui ...

Fil d’Ariane

Et encore ! Nous n’avons pris comme repères que trois chantiers : rapprochement des autorités des télécoms (Arcep) et de l’audiovisuel (CSA), installation de la mission Pierre Lescure et réflexions sur la fiscalité du numérique. Régulation, création à l’heure du numérique et taxation des acteurs du Net : trois thèmes présentés comme intimement liés par les acteurs impliqués dans le bouzin.

Dès le lancement du projet de “rapprochement entre le CSA et l’Arcep” par le Premier ministre les connexions se sont très vite établies en filigrane : le but principal de l’opération est la recherche, encore et toujours, de nouvelles formes de financements de la création. A ce sujet, Internet et antennes (télé ou radio) ne sont pas logés à la même enseigne et il faut que ça cesse. Alors hop, on change la régulation ! Et on met dans la boucle la mission Lescure aux côtés de Fleur Pellerin (ministre de l’économie numérique) et Aurélie Filippetti (Culture).

Même logique du côté de la mission dite Colin et Collin (du nom de ses rapporteurs), chargée de plancher sur la fiscalité du numérique. A l’occasion de l’installation officielle de sa mission, Pierre Lescure a été également prié de s’en rapprocher par la ministre de la Culture. Comme on vous le dit : le fil d’Ariane, ici, est cousu d’or.

Problème : qui dit plein de dossiers gérés par une tripotée de personnes dit forcément quelques hic dans l’organisation. Et c’est un euphémisme. Prenez le calendrier : les premières conclusions des ministres sur le dossier CSA-Arcep sont attendues d’ici fin novembre. Celles de Colin et Collin, d’ici fin décembre. Mais la mission Lescure elle, a jusqu’à mars 2013.

Cliquer pour voir l'infographie

Matignon à la tranche

Du côté de Bercy, on assure que ce n’est pas un problème et que la mission Lescure participera dans les temps aux missions annexes qui lui ont été confiées. Son de cloche différent chez le voisin, qui devrait bel et bien donner toutes ses conclusions au printemps prochain. Qui aura donc le dernier mot ?

“On a le sentiment d’un manque de coordination, réagit Édouard Barreiro, de l’association de consommateurs UFC Que Choisir. Qui poursuit :

Sans compter que les discours sont très différents selon les interlocuteurs. Est-ce qu’à un moment ces gens vont se réunir autour d’une table pour se mettre d’accord ? Parce que là, on ne comprend rien !

Qu’on se rassure : la lumière devrait venir de Matignon. C’est aux équipes du Premier ministre qu’il reviendrait en effet de trancher dans le vif. Et cela bien avant la fin de la mission Lescure. Si du côté de Matignon, on semble bien avoir conscience de l’enchevêtrement des dossiers, il y a aussi la volonté d’avancer. Les gendarmes des télécoms et de l’audiovisuel devraient donc voir leur sort fixé d’ici la fin de l’année. Pour être gravé dans la loi sur l’audiovisuel, au début de l’année prochaine. Même tempo pour la fiscalité du numérique, appelée à être tranchée dès janvier.

Mission Lescure impossible

Mission Lescure impossible

La guerre serait-elle déjà déclenchée ? A peine installée, la mission Lescure, qui planche sur l'avenir de la culture ...

Le pas de marche est donc confirmé. Et tant pis pour ceux qui appellent à la prudence. Ou qui s’inquiètent de voir les dossiers ouverts les uns après les autres, sans que la mesure de chacun semble avoir été prise. Le régulateur des télécoms, qui, il y a quelques jours à peine, plaidait pour une réflexion “mûrement réfléchie” dans le cas d’un rapprochement avec le CSA devrait par exemple en être pour ses frais. Selon nos informations, le gouvernement veut agir pour ensuite réfléchir : faire évoluer les appareils avant de s’attaquer au type de régulation souhaité. Car trancher cette question semble irréaliste dans les délais fixés. Et le calendrier est prioritaire.

INTERNET !

Croisons les doigts pour que le Net français n’en ressorte pas trop égratigné. Car le rapprochement des régulateurs n’est pas qu’une simple affaire de tambouille institutionnelle : la forme qu’on lui donnera déterminera les règles qui s’appliqueront au contenu audiovisuel. Et comme le rappelle l’Arcep, la neutralité du net et la liberté d’expression sont en jeu. Rien que ça.

Sans compter que d’autres dossiers épineux s’ajoutent à ceux déjà évoqués. Les lois de la gravité semblent aussi s’appliquer à ce sac de noeuds numériques. N’en prenons qu’un : la volonté de certains éditeurs de presse, Laurent Joffrin en tête, de faire cracher Google au bassinet. En créant un droit voisin pour la presse, qui obligerait la boîte américaine à payer pour indexer les articles sur son moteur de recherche. Le fameux projet de “Lex Google” qui pourrait même aboutir, selon Telerama, au fait de sanctionner pénalement la création de liens hypertextes qui n’auraient pas fait l’objet d’une rémunération. Une fois encore, le gouvernement va et vient sur le sujet : Aurélie Filippetti jouant d’abord la prudence sur le dossier, pour y revenir de plus belle, hier. Une fois encore, ce projet pourrait sérieusement bousculer le Net français. Une fois encore, nous allons prendre une aspirine, respirer un grand coup et essayer de comprendre tout ça.

Croisons les doigts.


Pour comprendre ce gros sacs de noeuds, nous vous proposons cette infographie.

Nous y avons glissé quelques surprises, nos easter eggs maison. On a pensé à Laurent Chemla, qui détruit les confortables mythes de la télé connectée et de l’exception culturelle française, ou à Manach, notre dino du web, depuis longtemps poil à gratter de la Cnil et des histoires de vie privée. On a aussi glissé quelques sujets annexes, tel que le bug Facebook ou le mouvement des pigeons, qui sont venus un peu plus embrouiller les plans numériques du gouvernement. Ça nous a fait marrer, on espère qu’il en sera de même pour vous /-)

Cliquez sur les pour lire l’explication correspondante.


Illustrations et couverture par Cédric Audinot pour Owni.
Infographie par Cédric Audinot et Andréa Fradin. Et en version standalone (630×2200, 365 Ko), c’est par ici !

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Le numérique attendra le printemps http://owni.fr/2012/10/10/le-numerique-attendra-le-printemps/ http://owni.fr/2012/10/10/le-numerique-attendra-le-printemps/#comments Wed, 10 Oct 2012 14:41:04 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=122191 Pigeon – photo CC by Ibrahim Iujaz

Pigeon, premier sur l'innovation ! – photo CC by Ibrahim Iujaz

“La stratégie du Gouvernement pour le numérique.” C’est l’un des gros morceaux qui était au menu ce matin du Conseil des ministres. Et c’est Fleur Pellerin, ministre en charge de l’économie numérique, qui a été chargée d’en tracer les grandes lignes.

L’exercice, sorte de synthèse des gros dossiers en cours, devrait ” guider le Gouvernement dans l’établissement de sa feuille de route pour le numérique”, indique l’Élysée. Un plan détaillé qui sera présenté par le Premier ministre en février 2013, “à l’occasion d’un séminaire gouvernemental dédié au numérique”, poursuit le communiqué.

Chantier titanesque

Sans surprise, le chantier est titanesque. Et les dossiers aussi variés que nombreux.

Internet en fusion

Internet en fusion

En lançant une réflexion sur le "rapprochement" de l'Arcep et du CSA, le gouvernement ressuscite un serpent de mer qui ...

“Couverture intégrale du territoire en très haut débit”, dont le gouvernement assure reprendre “le pilotage” ; “sécurité des réseaux, systèmes et données, de l’indépendance technologique ou de la capacité des autorités judiciaires et administratives à agir en cas de besoin”, qui devrait notamment couvrir la polémique sur le géant chinois Huawei, ou bien encore “respect de la vie privée” et “protection des personnes face à la multiplication des fichiers.” Bercy semble vouloir donner une suite à la fameuse affaire du bug (ou pas) Facebook, en sollicitant particulièrement la Cnil sur les questions de données personnelles.

Et ce n’est pas tout. A cela s’ajoute encore le gros volet de la fiscalité du numérique, au cœur de nombreuses réflexions déjà lancées dans les différents ministères. Ainsi celle sur le rapprochement du CSA et de l’Arcep, dont les premières conclusions devraient arriver dès novembre, ou bien encore la mission de Pierre Lescure, chargée de réfléchir à des mécanismes de financement de la création, sans oublier les conclusions sur le sujet de Colin et Collin, respectivement inspecteur des finances et conseiller d’Etat, attendues aux alentours du mois de décembre prochain.

Pour compléter ces tâches de fond, le gouvernement indique également sa volonté de créer à Paris “ou en proche banlieue” un “grand quartier du numérique”. Baptisé “Paris Capitale Start-up”, il a pour objectif de “développer l’attractivité internationale de la France dans le numérique”. Selon La Tribune, qui révélait hier soir les détails de ce plan, “l’extrême-est de Paris, vers Ivry” aurait été évoqué. L’initiative devrait s’appuyer sur les dispositifs déjà mis en place par la région ou la ville de Paris en matière d’incitation à l’innovation.

Elle n’est pas sans rappeler l’ambition britannique, de muter Londres et son quartier consacré “TechCity” en “capitale européenne du numérique”. A en croire La Tribune, le gouvernement copierait même le modèle d’outre-Manche. Une offensive qui vient poursuivre le bras de fer franco-anglais entamé sous Nicolas Sarkozy autour de l’innovation, du numérique, et de l’organisation de certains de ses événements phare, tel que Le Web.

Coordination

Reste à coordonner le bouzin. En la matière, le gouvernement semble vouloir mettre l’accent sur l’inter-ministériel. En organisant le séminaire gouvernemental sur le numérique en février 2013 d’abord, mais aussi en réfléchissant à la meilleure manière d’articuler la question avec l’ensemble des thématiques qu’elle recouvre. Toujours selon La Tribune, une “enceinte de coordination” chargée de piloter le tout devrait être mise en place.

[visu] En 2012, Internet n’existe pas

[visu] En 2012, Internet n’existe pas

Visualiser en un coup d’œil les propositions des candidats sur le numérique. C'est ce que OWNI vous propose en ...

Selon nos informations, cette enceinte devrait se démarquer du Conseil national du numérique (CNN) voulu par Nicolas Sarkozy, qui s’apprête néanmoins à retrouver un second souffle. Mis en veille à l’arrivée de la nouvelle majorité et avec la nomination, en juillet dernier, d’un nouveau président, le CNN va reprendre du service avec de nouvelles têtes. La Tribune avance les noms de Daniel Kaplan (Fondation Internet Nouvelle Génération), ou encore Stéphane Distinguin (FaberNovel). Des entrepreneurs et experts du numérique connus pour être proches des cercles socialistes (lire notre ebook : Partis en ligne).

Certains des membres historiques du CNN devraient néanmoins garder leur place, poursuit le quotidien économique. Ainsi Giuseppe de Martino (Dailymotion) ou Gilles Babinet (ancien président du CNN, aujourd’hui “Digital Champion” français auprès de l’Union européenne). Selon nos informations, la présence de ce dernier est bel et bien confirmée.

Au-delà de l’effet d’annonce de ce Conseil des ministres, difficile d’entrevoir les nouveautés du gouvernement en matière de numérique. Six mois après la présidentielle, pendant laquelle le PS semblait bien déplumé sur le sujet, la “stratégie numérique” annoncée n’est ici pas davantage étoffée ; Fleur Pellerin ne reprenant finalement que pèle-mêle les dossiers déjà ouverts. Pire, cette feuille de route se voit renvoyée à février prochain. Face aux couacs récents sur l’affaire du bug Facebook ou la bruyante bronca du mouvement des “pigeons” web-entrepreneurs, le gouvernement tenterait-il une manœuvre d’ e-séduction ?


Photo CC by Ibrahim Iujaz

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