Et si on arrêtait de travailler sur Tintin ?

Le 9 avril 2010

À trop faire preuve d'intransigeance dans le respect de la propriété intellectuelle, les éditions Moulinsart, propriétaire des droits de l’œuvre d’Hergé, courent le danger mortel d'exclure Tintin des circulations appropriatives de la culture populaire.

Dessin de Tardi, publié dans le n° hors série de (A suivre), avril 1983.

Les éditions Moulinsart, propriétaire des droits de l’œuvre d’Hergé, ont eu la peau de Bob Garcia. Le tintinologue qui avait eu le tort de publier deux études illustrées d’une trentaine de vignettes, a été condamné en appel pour le motif burlesque de “contrefaçon” à 50.000 euros de dommages et intérêts. La maison d’édition a mis une hypothèque sur la maison de l’écrivain, qui n’a pas les moyens de payer un tel montant et fait appel aux dons sur sa page Facebook.

On sait Nick Rodwell particulièrement chatouilleux sur les questions de propriété intellectuelle. Le procès Garcia est clairement l’occasion de faire un exemple, dans le contexte de la préparation du film de Steven Spielberg, pour intimider ceux qui seraient tentés de soumettre l’œuvre d’Hergé aux pratiques du remix, montage et autres citations qui fleurissent sur Internet. Ce faisant, l’homme d’affaires est en train de creuser la tombe de Tintin. Une œuvre non partageable, limitée à un destin exclusivement commercial, s’exclut d’elle-même des circulations appropriatives de la culture populaire. Tintin, déjà largement absent des blogs, voit sa présence se réduire comme peau de chagrin et sa viralité réduite à zéro.

En niant toute possibilité d’appliquer l’exception de citation aux œuvres graphiques, y compris quand celles-ci ne portent pas de tort financier à l’auteur et à ses ayants-droits, l’intransigeance de Moulinsart menace le travail de tous les chercheurs en études visuelles. C’est pourquoi je propose que les chercheurs suspendent leurs travaux sur l’œuvre d’Hergé jusqu’au retour de celle-ci dans le domaine public (en 2053). En réduisant son impact culturel, ils contribueront mécaniquement à la baisse des ventes. Peut-être Rodwell comprendra-t-il alors ce que sa poule aux œufs d’or doit aux dynamiques culturelles, dont la recherche est un puissant moteur.

Billet initialement publié sur L’Atelier des icônes

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