Espaces de Hackers

Le 17 mai 2010

Partout dans le monde, des hackers se réunissent au sein d'espaces dédiés dénommés "hackerspaces". État des lieux par Philippe Langlois du /tmp/lab et Guyzmo, au cours d'une conférence organisée par Pas Sage en Seine.

Organisée par Silicon Sentier à la Cantine, l’édition 2010 de Pas Sage En Seine proposait le week-end dernier un programme dense. Focus sur la conférence sur les Hacker Spaces.

Philippe Langlois, pour le /tmp/lab et Guyzmo, pour la Suite Logique ne sont pas des vilains hackers informatiques qui effraient nos concitoyens. Ils ont posément évoqué les origines et les principes des hackerspaces et présenté leurs projets passés, présents, et à venir…

Rangés des voitures, les hackers? Pas forcément. Dans l’indispensable Comment devenir un hacker?, Eric S. Raymond en donnait déjà une définition qui correspond à la lettre aux intervenants de cette conférence :

Les hackers résolvent des problèmes, ils construisent, et ils croient en la liberté et en l’assistance mutuelle bénévole.

“Un espace autonome où on fait de la technologie”

Un Hackerspace, c’est d’abord et avant tout un espace autonome où “on fait de la technologie”. L’accent est mis sur la pratique et le bidouillage. Il s’agit pour chacun de prendre en main sa liberté technologique de penser, et de la faire advenir dans des projets.

Très loin des projets des hackers “révolutionnaires”, l’idée est simplement de diffuser au mieux les idées et les valeurs du logiciel libre et des férus de technologie dans le vaste monde. Cela passe parfois par des prises de positions fortes et des “micro-combats”, comme celui mené contre HADOPI. Mais c’est bien la pratique qui guide les actes des membres de ces espaces.

Les intervenants refusent tous deux catégoriquement d’être assimilés à tel ou tel courant politique. Il s’agit avant tout d’une éthique, fondée sur la pratique du hack légal. On y fait état d’un esprit critique avancé, sans pour autant se poser comme parangons de morale. L’idée est de faire avancer la société par la pratique.

De vilains hackers réunis

Hacker Culture

Les références en terme de hackerspaces se situent du côté de nos voisins européens (C-base à Berlin ou le Metalab en Autriche). En France, la suspicion a longtemps été de mise. En effet, le premier club de hacker français, le Chaos Computer Club de France, avait été créé à la demande de la DST dans l’unique but de surveiller le balbutiant milieu des hackers français.

Pour autant, la “hacker culture” reste bien présente en France, et ses fondements peuvent se résumer comme le fait Philippe Langlois :

La culture du hack c’est de sortir du cadre, de penser en dehors des boîtes. Agréger des domaines différents et créer à partir de là.

La transformation se fait par petites touches incrémentales, dans le but d’aider les individus à s’émanciper des contraintes imposées par les technologies propriétaires. Il s’agit donc de gérer les alternatives, et d’innover en se laissant la liberté de “grenouillage”.

L’expérimentation et le plaisir sont au centre d’une pratique inspirée par le “Do It Yourself” de nos amis punks. Le principe est que tout est hackable, des caddies de supermarché au frigo de la voisine.

Puisqu'on vous le dit...

Les valeurs propres à l’open-source et aux logiciels libres irriguent également la pratique des hackers. Toutefois, il s’agit de rester vigilant, comme l’explique Philippe Langlois par rapport à la licence GPL. En effet, elle s’applique parfois à des logiciels libres utilisés par des gouvernements pour contrôler ou réprimer certains membres de la population comme les sans-papiers. Le /tmp/lab a donc créé une licence permettant d’introduire des exceptions à ces licences libres, comme celle visant à ne pas utiliser le logiciel à des fins immorales.

Organisation d’un Hackerspace

La première étape est de trouver un lieu. Pour le /tmp/lab, c’est Vitry sur Seine.

“Dans une zone industrielle, entre la pollution chimique de Sanofi et une situation sociale difficile : autant dire que l’on partait de 0″, admet Philippe Langlois.

L’idée de friche ne déplaît pas aux membres du lab, qui se sont regroupés sous la forme d’une association loi 1901, en décidant de ne salarier personne.

Du côté de La Suite Logique, l’encadrement est réduit au strict minimum. Les hackers se réunissent au sein d’un squat qui fermera ses portes d’ici à quelques semaines. Pour Guyzmo, même si il va falloir trouver un autre lieu,

“le plus important n’est pas l’endroit où on se retrouve, mais les projets qu’on y développe”.

L’autonomie reste au centre de toutes les préoccupations, les hackerspaces sont dans l’idéal autofinancés par le produit de quelques événements et les contributions de ses membres. Ces derniers ne sont pas soumis à une organisation hiérarchique mais s’impliquent en fonction des projets auxquels ils souhaitent contribuer.

Chaque projet est indépendant et dispose d’un budget propre, et s’il reste quelques euros, ils sont disponibles pour les membres originaux du projet afin qu’ils l’utilisent sur un projet de leur choix. Il en existe plusieurs, comme hackerspaces.org, dont l’objectif est de structurer les hackerspaces du monde entier afin d’organiser de gros événements et d’aider à la création d’autre espaces.

Le mouvement semble donc en marche. Reste à constituer un espace de référence à Paris intra muros, et à développer les espaces existants…

Illustrations CC Flickr par bre pettis, opacity, et Stian Eikeland

Pour compléter :

Un manifeste hacker, par Kenneth McKenzie Wark

L’Ethique hacker et l’esprit de l’ère de l’information, de Pekka Himanen

Comment devenir un hacker ? d’Eric S. Raymond

Hackers et sans complexe, un reportage de Jean-Marc Manach lors du premier Hacker Space Festival

Laisser un commentaire

Derniers articles publiés