Avis de tempête: les cygnes noirs sont de sortie

Le 12 mai 2011

L'actualité économique et financière n'a pas fini de nous surprendre et nous réserve chaque jour son lot de "cygnes noirs", ces idées préconçues qui se retrouvent du jour au lendemain remises en cause. Faut-il s'en inquiéter?

Ces derniers temps, un certain nombre d’événements ou d’informations qui nous parviennent étaient auparavant considérés comme in-envisageable, remettant ainsi au goût du jour une théorie désormais célèbre : celle des cygnes noirs.

Explication : si l’on observe que des cygnes blancs, on pourrait en déduire – par erreur – que tous les cygnes sont blancs. Ce qu’ont cru pendant longtemps les européens, jusqu’au jour où l’on a découvert l’existence de cygnes noirs en Australie, au XVIIe siècle.

Cette histoire a inspiré le philosophe et écrivain libanais Nassim Nicholas Taleb qui a écrit La théorie du Cygne Noir en 2007. Pour Taleb, un cygne noir est l’illustration d’un biais cognitif, c’est à dire une erreur dans la prise de décision ou de comportement adopté face à une situation donnée.

En réalité, seule l’observation de tous les cygnes de la Terre pourrait nous donner la confirmation ou pas que ceux-ci sont bien toujours blancs. Mais cela n’est pas raisonnablement possible, et il est donc préférable de faire la supposition hâtive qu’ils sont blancs, dans l’attente de voir la théorie infirmée par l’observation éventuelle d’un cygne d’une autre couleur.

Nous construisons ainsi des raisonnements sur la base d’informations incomplètes, qui nous conduisent à des certitudes erronées.

L’apparition de ces cygnes noirs dans l’actualité de ces jours-ci devraient donc nous alerter sérieusement sur les temps à venir, et sur les présupposés qui régissent notre société.

L’or redevient une monnaie

Une information importante et passée totalement inaperçue est que l’Université du Texas vient d’investir environ 1 milliard de sa trésorerie en or. Les membres du board voient l’or “juste comme une autre monnaie qui ne peut pas subir une impression de billets supplémentaire“. Il est à noter que cette université forme également des économistes.

Alors que penser d’une telle stratégie ? Simplement que de plus en plus de particuliers comme d’institutions commencent à avoir des doutes de plus en plus sérieux sur la pérennité du système économique mondial dans sa configuration actuelle.

La Chine renie le dollar

La Chine aussi a des doutes. Elle souhaite diversifier ses réserves en devises et faire diminuer de manière significative sa détention de dollars américains. En effet, avec sa politique de la planche à billet, la Federal Reserve – la banque centrale américaine – permet certes au trésor américain de payer, mais au détriment du détenteur de cette monnaie. Et nos amis chinois ne semblent plus vouloir être les dindons de la farce.

Elle a d’ailleurs commencé à le faire en soutenant les pays européens en difficulté comme la Grèce ou l’Espagne. L’objectif ? Soutenir l’euro afin de disposer d’une autre monnaie de réserve en cas d’effondrement du dollar. Du jamais vu.

Et si la Grèce sortait de l’euro ?

Pourtant, l’euro ne se porte pas bien mieux. Un an après le plan de sauvetage financier de la Grèce censé rassurer les investisseurs, le cout des emprunts à deux ans ont dépassé pour la première fois les 25 % de taux d’intérêt pour la Grèce. Cela signifie concrètement que la Grèce est peut être à quelques jours seulement d’un rééchelonnement de sa dette. Opération dans laquelle les banques mondiales – à commencer par les banques françaises – y laisseront inévitablement quelques plumes.

À titre d’information, c’est le Crédit Agricole qui est la banque la plus exposée au risque grec, l’ensemble des banques étant tout de même concerné. Nous pouvons d’ailleurs ajouter à cela que les CDS reflètent actuellement une anticipation d’annulation de la dette de certains pays européens pouvant atteindre les 75% (les CDS sont des “assurances” sur les risques de faillites).

Selon Der Spiegel, le gouvernement grec envisagerait même de quitter la zone euro. Pourtant c’est impossible, n’est-ce pas ?

La mise sous surveillance de la dette des États-Unis

Le même sort va-t-il arriver aux États Unis ? L’agence S&P vient de placer sous surveillance négative la dette des USA. Or, l’économie américaine reste la première économie mondiale. Un défaut de paiement américain entraînerait le monde dans un chaos économique sans précédent. Les optimistes invétérés nous expliquent qu’ils n’y croient pas.

Les mêmes d’ailleurs ne croyaient pas à un séisme d’une magnitude supérieure à 9, suivi d’un tsunami de plus de 15 mètres de haut, venant détruire 6 réacteurs d’une centrale nucléaire… et qui irradie un pays entier pour ne pas faire frémir avec une contamination entière de l’hémisphère Nord.

Encore un triste Cygne noir.

Une banque qui fait défaut !

Toujours à propos du Japon, la Banque Morgan Stanley vient de faire un défaut de paiement volontaire de 3.2 milliards d’euros sur le remboursement de l’emprunt lié à l’acquisition d’un immeuble à Tokyo. En clair peut importe la perte réalisée, la banque ne veut plus de cet immeuble. C’est une première historique pour cette “vénérable” institution.

Quel peut donc bien en être le mobile ?

Quand le chômage rend fou

Plus dramatique, McDonald’s (les restaurants) a lancé une grande campagne de recrutement proposant 50.000 jobs en une journée. Pas loin de 3 millions de personnes se sont présentées pour obtenir un travail, certaines campant même la veille pour être sûres d’être reçues. La situation a carrément viré au drame à Cleveland, des scènes pathétiques prouvant à quel point la situation de beaucoup de familles américaines est désastreuse.

Jusqu’où la misère mènera-t-elle les gens ?

Pressions sur les bonus des traders

Et enfin, plus léger,  après l’initiative de Cantona notre footballeur, les maires de certaines villes s’y mettent aussi. Enfin, un en tout cas : le maire de la ville de Gand en Belgique, qui vient de prendre la décision de retirer ses fonds de deux banques à savoir Dexia et KBC, afin de protester contre les politiques de ces deux institutions et invite toutes les villes à suivre sont exemple… De même, aux Pays-Bas, une campagne en ligne a réussi à faire pression pour que les banques reviennent sur les bonus accordés aux traders… avec un certain succès !

Qui l’eut cru ?

Je ne sais pas si vous avez vu, mais je trouve que ces derniers temps nous croisons de plus en plus de cygnes noirs. Or, comme tout le monde le sait : les cygnes sont blancs… jusqu’à preuve du contraire.


Photo flickr PaternitéPartage selon les Conditions Initiales Matt Biddulph ; PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales artemuestra

Adaptation : Stanislas Jourdan

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