Découvrez “To Ardent” by Black Devil Disco Club feat. Nancy Sinatra (Grovesnor remix)

Le 24 mai 2011

Black Devil Disco Club est de retour sur la piste. Nancy Sinatra en personne nous met en garde "take care my friend"... this is so ... "To Ardent" !

Nous avons eu l’honneur de rencontrer cette semaine Bernard Fèvre, l’homme derrière l’univers disco, intense et étrange de Black Devil Disco Club. L’histoire de ce revival est plutôt extraordinaire. Bernard Fèvre, en 1978, sort deux albums qui n’ont pas fait le carton espéré à l’époque. 28 ans plus tard, grâce à Internet, alors que Bernard vit de l’illustration musicale, il s’aperçoit que ses albums sont repris par des personnalités telles qu’Aphex Twin ou The Chemical Brothers. Il décide alors de profiter de la nouvelle visibilité de ses titres pour se relancer dans la production d’albums, et ce pour notre plus grand plaisir.

De retour en 2006 après une absence spatio-temporelle de 28 ans, avec l’album 28 After acclamé par le monde entier, Black Devil Disco Club publie aujourd’hui son disque le plus ambitieux. “Circus” est un ensemble de 10 titres dont la tracklist dit déjà tout :

1. Fuzzy Dream ft Jon Spencer.
2. Pavement opposite ft Nancy Fortune / Bernard Fevre.
3. X Paradise ft Cosmetics.
4. Distrust ft Faris Badwan (The Horrors).
5. Stay Insane ft Yacht.
6. To Ardent ft Nancy Sinatra.
7. In Doubt ft Cocknbullkid.
8. My Screen ft Nicolas Ker (Poni Hoax).
9. She Flees the Silence ft Bernard Fevre / Michael Lovett.
10. Magnetic Devil ft Afrika Bambaataa.

Pourquoi cet album “Circus” sorti le 11 Avril est-il signé dans un label anglais, Lo recordings ?

En 2004 j’ai entendu que The Chemical Brothers avaient utilisé un de mes samples dans un de leurs albums, pour le titre Got Glint (sur l’album Surrender des Chemical Brothers, sorti en 1999). C’est alors que j’ai commencé à regarder sur internet ce qui se passait et j’ai vu qu’on s’intéressait à moi. J’ai rejoint l’éditeur français de ce titre et, une semaine après, il m’annonçait qu’un label anglais qui s’appelle Rephlex rééditait mon album de 78. Je me suis dis : si les anglais s’intéressent à moi, moi, je vais essayer de m’intéresser à eux, et je vais essayer de créer une suite à cet album. Ca a donné “28 After”. Je l’ai fabriqué, mais j’ai mis à peu près deux ans pour retrouver le même son. Je voulais que ce soit réellement une suite, et non pas qu’il y ait 28 ans d’écart entre le disque de 78 et celui là. Quand au bout de deux ans j’ai réussi, et que j’ai été content du son, j’ai appellé un ami Franco-Anglais. Il a écouté et m’a envoyé chez des amis à lui, qui sont devenus mon label anglais, Lo recordings. Une semaine après, ils sont venus à Paris et on a signé un contrat.

Quand vous décidez de rebondir sur ces réeditions, était-ce motivé par une intention artistique ou pour profiter de l’opportunité de relancer votre carrière ?

J’ai joué un rôle de commerçant à ce moment là. Je me suis dit : on s’intéresse à ma marque, je vais la redévelopper. Puisqu’elle n’avait pas été développée à l’époque, c’était enfin l’occasion de faire quelque chose. Ca m’amusait beaucoup, parce que je retournais presque 30 ans en arrière, sur une musique que j’avais totalement oubliée. Et, j’avais envie de me prouver que je pouvais redevenir jeune.

Il y une ambiance dancefloor dans votre album mais il y a aussi des tensions qui mettent mal à l’aise…

Je ne fais pas une musique tragique ou qui se veut faire peur, mais c’est une musique de rêve, et, dans les rêves, il y a toujours quelque chose d’étrange. Ca n’est jamais très drôle un rêve. Ce sont des séquences irréelles dans un monde réel. Je pense que c’est ce qui fait un peu le côté sombre ; les événements ne sont pas toujours très gais, le journalisme ne nous apporte pas que des bonnes nouvelles. J’ai un caractère qui est à la fois pessimiste et optimiste et quand je fait des gigs, les gens sont très heureux de ma musique, ils ne sont pas tristes du tout, ils sont très souriants. Donc c’est assez bizarre, je pense que cet état d’esprit sombre correspond à la jeunesse d’aujourd’hui, et pas à celle de mon époque. J’étais sans doute en avance.

Quelles étaient vos ambitions avec cet album ?

Ce qui a été intéressant dans cet album c’est d’aller chercher les voix. Jusque là, c’est toujours moi qui chantait. J’ai voulu des voix étonnantes, des voix qui fassent un pont entre la génération ancienne et les générations nouvelles. Ce que je déteste le plus dans le monde actuel, et ça n’est pas vrai dans tous les pays, c’est la barrière qu’il y a entre les vieux et les jeunes. Comme je suis français, je le ressens beaucoup plus qu’ailleurs. Quand j’ai fait le Big Chill ou des choses comme ça aux Etats-Unis, les gens étaient de tout âge. Sitôt qu’il y a des choses à découvrir, les Anglo-saxons se déplacent, les Français, eux, attendent encore que les médias leur disent “il faut aller voir ça ou il faut aller voir ça, ça correspond à votre âge”.

Dans ma jeunesse, on était très agressif vis à vis des vieux, mais c’est parce qu’on espérait qu’ils évoluent dans un sens, c’est-à-dire qu’on espérait que les gens d’un certain âge soient comme moi. On les agressait un peu pour qu’ils évoluent vers nous. Ça n’a pas bien fonctionné et ce qui s’est passé, c’est que les jeunes se sont éloignés des vieux. Ca, c’est encore plus grave, et ça a créé un vrai fossé générationnel.

C’est pour ça que j’ai voulu avoir sur cet album Afrika Bambaataa, Nancy Sinatra, qui sont d’une génération un peu plus jeune que la mienne, mais pas si éloigné, et puis des groupes comme Yacht., Faris Badwan pour avoir aussi des gens qui ont un avenir… (rires). Des gens qui ont un passé, des gens qui ont un avenir, des gens comme Jon Spencer, comme Nicolas Ker, qui ont un présent.

Je suis assez content parce que ce qui m’intéressait c’était de voir si tous ces gens issus de mondes différents allaient fonctionner dans mon style musical, et, effectivement, ça fonctionne très bien, on a pas l’impression que les voix ont été collées sur la musique. Voilà, donc ça c’était mon but, et aussi de prouver que Bernard Fèvre était capable de dépasser Black Devil Disco Club. Parce qu’avant de mourir, j’aimerais avoir une petite reconnaissance de ce que je sais faire.

C’était comment de travailler avec Afrika Bambaataa ?

C’était très simple. Il est venu à Paris, on a fait deux prises, et la deuxième c’était la bonne. C’est une légende, je suis un peu une légende donc ça fait une légende en plus (rires). Et puis c’est son message qui est bien, il ressemble à celui que j’aime bien. C’est pas de la politique c’est de l’humanisme, de l’unionnisme. Je n’avais pas de black sur l’album et moi, c’est la musique noir américaine qui m’a fait faire de la musique. Lui, il fait une musique plus jeune que celle que j’écoutais moi, James Brown, Ray Charles…

Quelles ont été les grosses différences dans le processus de production de l’album ?

Par rapport aux années 70 ? La musique est devenue de plus en plus facile à enregistrer, beaucoup moins chère à enregistrer, beaucoup plus confortable. On peut accorder encore plus de temps à son travail. Avant les studios coûtaient très cher, donc le temps était réduit, aujourd’hui, on peut mettre dix ans si on veut pour faire un album.

La production reste donc qualitative ?

Tout à fait. Mais vous savez, je suis un très bon preneur de son et un très bon musicien, ça fait longtemps que je travaille ça, donc je m’en sors bien.

Je travaille comme si j’étais en studio sur mon ordinateur, mon programme ressemble à un studio. Je suis pas du tout un DJ donc je ne sais pas manipuler les sons comme un DJ. Je les joue. Au départ je suis un pianiste, un organiste. Je ne sais pas prendre des morceaux et les mettre les uns avec les autres, faire un espèce de patchwork réussi. J’enregistre comme on enregistrait il ya 50 ans.

Donc vous ne vivez pas la nostalgie de l’époque des grands studios ?

Vous savez, je suis un vieux monsieur, rien ne me fait peur, je n’ai peur de rien. Je suis en coproduction avec le label, donc je m’occupe de la partie artistique, et eux s’occupent de la partie promotion. Maintenant j’ai un autre label, Alter K. J’en avais un peu marre de travailler exclusivement avec des Anglais, je voulais aussi travailler avec des Français.

Quel rôle donnez-vous à Internet dans votre promotion et pour la distribution de cet album ?

J’ai connu le disque vinyl quand j’étais petit. Avec deux titres, ensuite avec 4 titres, puis les albums… Aujourd’hui on peut acheter pour quelques centimes un MP3, c’est une autre démarche. Il paraît qu’avec moi les ventes digitales marchent plutôt bien, c’est ce qui avait surpris les Anglais il y a trois ans. Mon fils a 17 ans, il est tout à fait familier de cette culture. Evidemment il fait un peu de “piratage” aussi.

Vous savez, je tourne pas mal depuis quatre-cinq ans ,et j’existe grâce à Internet. J’ai été découvert par des producteur ou des Dj internationaux qui sont Suédois, qui sont Anglais, qui sont Américains, et qui ont fait connaître le disque que j’avais fait en 78. C’était un revival de la disco et, grâce à ça, j’ai fait la suite de ma carrière 28 ans après. Là, si je me google en langue étrangère traduite, j’atteins environ 3 millions de pages, ça veut dire quelque chose non ?

Donc la crise du disque ne vous touche pas particulièrement ?

Moi, je me suis toujours foutu du disque, je suis un musicien, je ne suis pas un marchand de savon. Le commerce ne m’intéresse pas, il ne m’intéresse qu’à partir du moment ou on me rétribue pour ce que je mérite et là, maintenant, dans les conditions actuelles, ça n’arrivera jamais. On gagne pas notre vie avec les disques. Je gagne ma vie avec les gigs, c’est tout. Tous les DJ que je connais font un autre métier à côté. A part les 10 stars mondiales, pour tous les autres, c’est la même chose, c’est très difficile, les gens n’achètent pas suffisamment. On est trop nombreux, c’est monstrueux le nombre d’artistes qu’il y a.

Ce qui m’intéresse, c’est de faire des choses amusantes avec des personnes amusantes. Je ne suis pas en train d’essayer de faire carrière avec cet album. Ma stratégie, si j’avais trente ans, serait la même. On ne peut pas diriger ni les médias, ni les publics. Ils sont libres de faire ce qu’ils veulent. Je pense que dans une vingtaine d’années, si ça continue comme ça, il n’existera plus d’artistes, on aura plus que des musiciens de rue. On ne peut plus être star. Moi, je suis une mini star pour un monde très particulier, j’intéresse les jeunes parce que je représente quelque chose : qu’on peut vieillir et réussir tard. Je suis une espèce d’espoir pour eux. Ils se disent que si on ne réussit pas à 20 ans, à 30 ans, ni à 40 ans, on peut encore faire quelque chose à 60.

Aujourd’hui, sur Facebook, je vois bien que j’ai des ados qui sont proche de mon fils qui s’intéressent à moi, alors qu’au début, quand je suis arrivée en 2006, c’était des 35-40 ans, des collectionneurs, des fous de vinyl.

Parce que j’ai changé ma façon de m’exprimer et que j’ai fait des remix aussi, je me suis emmené vers un genre plus jeune. Ca, c’est de la stratégie commerciale, mais de la stratégie commerciale artistique que seul un vieux bonhomme comme moi sait faire.

Je ne connais pas, actuellement, des gens dans le métier qui sont capable de faire ça. Ce qui s’est passé c’est que dans le temps, dans la chanson traditionnelle française, qu’on ne vend plus maintenant, des gens comme Serge Lama, comme Johnny Hallyday… Ils avaient des directeurs artistiques qui correspondaient à ce travail là, et qui le faisaient très bien. Il y avait les paroliers, les arrangeurs, les compositeurs, le directeur artistique qui gérait tout ça, qui disait “tu va enregistrer avec un tel dans tel studio”. Tout ça, c’est terminé, ça n’existe plus.

Et ce savoir faire, comment le revaloriser ?

On peut recréer ces stratégies dans les nouveaux modes de fabrication. Moi, ça m’intéresserait de faire de la production, d’apporter mon expérience à des gens plus jeunes. Je vois, en travaillant avec des gens comme Bambaataa ou Nicolas Ker, que je fais ça très bien, et ça va très vite, parce que je sais diriger. Le problème avec les jeunes c’est qu’ils se la pètent, ils sont susceptibles, les Anglo saxons ne sont pas pareils. En France, il y a un peu le problème du “Moi Je”. Quand tu montes un groupe en France, il faut toujours qu’il y ait une ambiguïté sur qui est le plus fort. Alors que les Beattles par exemple, peut-être qu’ils ne s’entendaient pas très bien, mais quand il s’agissait de travailler, ils étaient ensembles, ce que nous on ne sait pas faire.

On manque peut-être de concurrence locale ?

En effet, il y a un sens de l’éducation musicale que nous n’avons pas. Quand tu vois une chorale française, c’est toujours nul, quand tu vois une chorale anglaise, c’est toujours correct. Il y a des orchestres et des chorales un peu partout. En France, quand tu dis que tu es artiste, on te demande ce que tu fais pour vivre, si tu es alcoolique, “tu prend de la drogue alors ?”. On a une vision un peu arriérée de ce qu’est un artiste.

Comment percevez-vous l’accueil de votre musique en France ?

La première fois que j’ai joué en France, c’était au Bataclan, j’avais déjà un petit noyaux de fans. Grâce aux médias, les gens me connaissent un peu plus, et les jeunes me découvrent. La vrai différence se fait au niveau des médias : est-ce que les medias d’un pays vont vouloir me faire connaître ou pas ? En France, j’ai droit à pas mal d’articles, mais ça reste très underground.

Ce qui change aussi aujourd’hui, c’est qu’à l’époque, on avait une culture musicale, des racines. Aujourd’hui, on découvre ces racines avec des boucles et on ne sait plus très bien d’où ça vient, d’où on vient. Moi j’ai beaucoup de chance, j’ai une grande culture des année cinquante rock jusqu’au reggae. Il ne s’est rien passé depuis. Il y a eu le punk, qui était le contemporain du reggae, puis le disco, mais après, il n’y a plus rien.

Il n’y a plus que des patchworks de trucs qui n’ont pas assez de personnalités, parce que ça n’est pas assez raide, pas assez tranché, pas assez brut.

Je pense que ce manque de nouveauté est lié à la personnalité physique des gens. Actuellement, dans le monde de l’electro, ils cultivent plutôt l’anti-personnalité. Ils ne veulent pas être vus, qu’on les reconnaisse, ils ne veulent pas faire de concessions. Il sont trop hermétiques, il faut donner. J’ai fait du music-hall et ça me sert actuellement dans les gigs. Ils ne donnent pas assez de spectacle, d’eux-mêmes, d’échange. J’assimile ça à une énorme prétention, parce qu’en réalité, les gens timides sont prétentieux.

Vous pourrez retrouvez Black Devil Disco Club au @centquatre 104 samedi 28 Mai.

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Labels : Alter K et Lo recordings

Crédits photos tous droits réservés : Non Format (cover); Philippe Mazzoni

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