Le rapport qui punit Areva
Opacité. Acquisition désastreuse. Comptabilité mystérieuse. Le rapporteur de la Commission des finances a remis hier soir un audit au vitriol sur Areva et la filière nucléaire française. Publié en intégralité par OWNI.
À l’Assemblée nationale, le 21 juin dernier, le président de la Commission des finances Jérôme Cahuzac avait demandé à un rapporteur spécial d’examiner l’état financier du nucléaire français. Mardi soir, 11 octobre, une première version de ce travail présentée à quelques députés a fait l’effet d’une bombe. En 20 pages le rapporteur spécial Marc Goua dresse un bilan accablant des méthodes et des résultats financiers d’Areva et de plusieurs acteurs du secteur. Un document publié en intégralité au bas de cet article.
À le lire, on découvre des responsables qui tentent par tous les moyens de dissimuler les mauvais résultats financiers et le coût exorbitant du nucléaire. Pour continuer à prétendre qu’il s’agit de l’énergie la moins onéreuse. Exemple éloquent : celui du démantèlement des centrales et des installations qui arrivent ou arriveront prochainement en fin de vie. Le parlement avait demandé que la facture soit prise en compte dans le calcul de l’électricité. Peine perdue. Le rapporteur regrette ainsi, non sans ironie, de ne pas avoir obtenu:
une décomposition des coûts de l’électricité qui intègre le coût du démantèlement des centrales et du traitement des déchets, le ministre de l’Écologie a fourni sur ce sujet des indications certes solides et détaillées, mais incomplètes. Il signale au demeurant d’emblée que « le nucléaire est le moyen de production électrique le plus compétitif en base ». Le Rapporteur spécial voudrait être assez optimiste pour sauter aussi vite à cette conclusion. La commission Énergie 2050, à peine installée par le ministre de l’Écologie en septembre 2011, a en effet avancé le chiffre de 750 milliards d’euros pour le démantèlement de toutes les installations nucléaires françaises, soit 58 centrales. Cette instance paraît pourtant peu susceptible d’être hostile aux intérêts de la filière nucléaire, puisque les associations militant contre cette forme d’énergie ont refusé d’y être représentées.
Comprenez, si la gestion des déchets et des centrales hors d’usage est effectivement prise en compte, le nucléaire ne constitue plus seulement une source de pollution, il représente aussi un gouffre financier.
Finie l’étiquette bonne affaire
Quant à l’examen des comptes du champion de la filière, Areva, il se révèle à ce point semé d’embûches que le rapporteur spécial soupçonne certains de dissimuler des vérités qui dérangent. Dans un chapitre consacré à l’industriel, Marc Goua croit utile de rappeler une évidence :
Le contrôle budgétaire est une attribution ancienne de la commission des Finances. À quoi bon adopter des crédits, s’il n’était pas possible de vérifier ensuite l’emploi des fonds ?
Et de décrire une somme de difficultés et d’obstacles bureaucratiques avant de parvenir à consulter une comptabilité complète et fiable d’Areva et d’EDF. Avant de toucher au but.
Après diverses péripéties, les services de l’Agence des participations de l’État s’acquittent de leurs obligations envers le Rapporteur spécial en mettant à disposition dans leurs locaux de Bercy tous les renseignements et documents d’ordre financier et administratif qu’il demande. Une première visite a eu lieu le 27 septembre 2011 à 8 heures 30. L’examen approfondi des notes de suivi des entreprises a permis de réaliser des progrès dans la compréhension du bilan comptable et la politique d’acquisition d’EDF et d’Areva.
Et cette compréhension ne s’avère guère flatteuse pour le nucléaire. Ainsi, les déconvenues financières liées à la fabrication du réacteur EPR à Olkiluoto en Finlande s’apparentent à des négligences que l’on a tenté de dissimuler.
Le retard accumulé s’élève à quatre années et demie par rapport à ce que prévoyait le contrat avec l’électricien finlandais. (…) Il apparaît tout d’abord en filigrane qu’Areva s’est engagé non seulement sur la livraison d’une installation, mais aussi, dans une certaine mesure, sur la production à venir de la centrale. L’exposition d’Areva sur le dossier finlandais est donc certainement supérieure à ce qui avait été annoncé à la représentation nationale.
Dans le domaine des acquisitions, le rapporteur spécial relève des erreurs d’appréciation vertigineuses. Telles ces mines d’uranium en Namibie, appartenant au consortium UraMin, et pour lesquelles les mêmes errements sont identifiés.
Le suivi de l’acquisition d’UraMin présente les mêmes traits: forte dépendance vis-à -vis de l’entreprise contrôlée, distance critique et capacité d’analyse insuffisante, explosion des coûts pour le contribuable.
Le document explique que ces mines ont été achetées en mai 2007, en pleine présidentielle, dans un climat de précipitation entretenu par la direction du groupe. Vendues 1,6 milliard d’euros, elles étaient supposées renfermer pour 90.000 tonnes d’uranium. En réalité, on pourrait en extraire 50.000 tonnes tout au plus.
Note de présentation de Marc GOUA commission des fin du 11 octobre
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Image de Une par Marion Boucharlat pour Owni /-)
Illustration Flickr Gilles FRANCOIS
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