François Hollande en haut débit

Longtemps déconnecté du web, François Hollande vient d'installer un véritable commando numérique pour mener campagne sur tous les réseaux. À 100 jours de l'élection, il était temps. Côté UMP tout est déjà prêt. La bataille va pouvoir commencer. À cette occasion, OWNI Éditions a publié aujourd'hui un livre d'enquête sur les coulisses de ce nouveau théâtre des combats politiques.

100 jours. Il leur reste à peine 100 jours pour établir une stratégie de campagne sur Internet. Et la mettre en œuvre. Au tout nouveau QG de François Hollande, c’est l’effervescence. Lundi 2 janvier, les équipes de campagne du candidat socialiste ont pris possession de leurs nouveaux locaux de 1000 m2. Situé dans le cossu 7ème arrondissement de Paris, l’immeuble hébergeait auparavant le Haut commissariat aux solidarités actives de Martin Hirsch.

Une trentaine de personne a pris possession du 4ème étage. L’équipe “web campagne” sort des cartons.

Trente personnes sur le web

Cornaquée par Vincent Feltesse, le “monsieur web” historique de François Hollande, elle sera l’une des plus importantes de la course à la présidentielle. La communication sur Internet a pris de l’importance, et représente près de 10 % du budget total.

C’est l’ancienne directrice de la Cantine, lieu trendy des technophiles parisiens, Marie-Vorgan Le Barzic, qui sera en charge de coordonner l’opérationnel sur les réseaux. Récemment recrutée par Vincent Feltesse, elle bénéficie d’un solide carnet d’adresse dans le secteur. Résultat : les compétences dont elle s’est entourée proviennent principalement de l’extérieur du parti. Son bras droit à la Cantine, Antonin Torikian, a été débauché de Microsoft pour l’épauler au cours de ces quelques mois.

Le directeur financier, David Clavereau, est un ancien de la Netscouade, agence de communication web proche du PS et fondée par Benoît Thieulin au lendemain de la présidentielle 2007. Lionel Bordeaux, rédacteur en chef, était responsable du “département Paris numérique” à la mairie de Paris. Et Robin King, directeur artistique, a oeuvré tant pour le site Paris.fr que pour la première version de Rue89. A leurs côtés, on retrouve également les lieutenants numériques de François Hollande : Ariane Vincent, en charge notamment du compte Twitter du candidat et Romain Pigenel. Ce dernier, adjoint de Julien Dray à la région Île-de-France et blogueur sur Variae, travaille aux côtés d’un habitué de la blogosphère politique, Slovar, qui sévit aussi sur Marianne2.

Une équipe éclectique, jeune, structurée en différents pôles (veille, mobilisation, développement, contenus, graphisme), et qui tente de mettre en avant certaines valeurs. En recrutant le représentant français d’OpenStreetMap, Gaël Musquet, militant des sources ouvertes, l’équipe fait le choix d’abandonner Google au profit d’un projet libre pour ses différentes cartographies.

Son objectif principal sera de mobiliser les militants, mais pas uniquement. Pour Marie-Vorgan Le Barzic, il s’agit de “ toucher le plus d’individus possible”. Pour y parvenir, l’équipe s’attelle à la refonte totale de toushollande.fr, qui, depuis la primaire, se veut l’outil de mobilisation des soutiens du candidat socialiste.

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Si “au 59”, on fait valoir la proximité géographique du siège du candidat avec celui du parti (rue Solférino, à dix minutes à pied), les relations entre les deux ne sont pas au beau fixe. Ainsi, l’intégration de l’équipe web de Solférino à celle du candidat n’est pas à l’ordre du jour. Répondre aux argumentaires de l’UMP en continuant à produire du contenu, comme les vidéos récemment mises en ligne, telles sont les missions dont elle sera chargée. Autrement dit, elle restera “à la périphérie”, comme nous l’explique un proche de l’équipe d’Hollande. La Coopol, réseau social construit pour les adhérents, et qui sert d’outil d’organisation aux secrétaires de section, sera néanmoins mobilisé.

Côté Hollande, les relations avec le reste de l’équipe de campagne restent aussi à définir. Mais pour mettre les choses en œuvre, seule la validation de Vincent Feltesse est nécessaire, ce qui pourrait faciliter le travail. Symbole d’une volonté de peser sur le dispositif, l’équipe web a investi une petite pièce à l’entrée du QG, qu’elle entend aménager pour en faire un lieu de discussion autour des enjeux du numérique : une sorte de “Cantine socialiste”. La directrice opérationnelle souhaite “rendre le web intelligible”, y compris en interne, où la question numérique n’a pas encore été saisie par tous.

Le “Camp” du changement, c’est maintenant

En dehors du QG, le modèle de la Cantine joue aussi à plein. Ce lieu de travail collaboratif organise des formes de rencontres particulières, dont l’équipe web s’inspire. Ce lundi, le QG de campagne accueille ainsi son premier “Camp”, un “atelier ouvert”, au cours duquel “bloggeurs, entrepreneurs, développeurs, designers ou activistes” pourront “penser et développer les outils numériques”. Ce “Camp” sera suivi d’un “hackaton”, au cours duquel les équipes proposeront applications, idées et services web qui pourront nourrir la campagne. Un signal fort envoyé aux “geeks”. Les équipes de FaberNovel, dont le patron Stéphane Distinguin, cofondateur de la Cantine et réputé proche de François Hollande, devraient logiquement y participer.

L’Internet socialiste

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Cet évènement web friendly est une première, puisque le candidat s’est jusqu’alors refusé de se saisir de la thématique. Sur le fond, en revanche, le flou reste de mise. D’abord prévu mi décembre, puis début janvier, le programme numérique tarde à venir. Fleur Pellerin, en charge du pôle “Société et économie numérique”, continue de se faire discrète. Si on évoque sa présence à l’évènement d’aujourd’hui, son implication dans la web-campagne devrait rester limitée, nous indique les équipes.

La stratégie tranche avec les choix de l’UMP, qui mise à la fois sur une équipe interne et sur un unique prestataire, l’agence Emakina. La différence se joue également dans le timing. Si, dans les rangs de l’UMP, on s’affaire depuis l’été à la refonte des outils de campagne, l’équipe web de François Hollande s’organise à peine. Et devra composer avec le peu de temps qu’il reste.

“Ce qui fait la différence, c’est le professionnalisme et l’ouverture”, nous confie Marie-Vorgan Le Barzic. Reste moins de 100 jours pour les mettre en oeuvre.


En vente le 16 janvier, chez Owni Editions, Partis en ligne une enquête signée Andréa Fradin et Guillaume Ledit sur la campagne numérique de l’UMP et du PS.


Photo via Flickr par Tontoncopt [CC-byncsa]

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